La Cour suprême vient de mettre un terme au long procès du juge Jacques Delisle. Le dossier est clos, et nous entendrons de moins en moins parler de cette triste affaire.

Toutefois, avant que le souvenir de ces événements ne s'estompe complètement dans la mémoire collective, j'aimerais dire un mot sur l'excellent juge qu'a été Jacques Delisle, devant qui j'ai eu le privilège de plaider pendant au moins quatre ans, au début des années 90, alors qu'il occupait la fonction de juge coordonnateur du district judiciaire de Frontenac, où j'ai toujours pratiqué le droit.

Dans un petit district judiciaire comme l'était le nôtre, les avocats ont la chance de connaître leur juge d'une manière plus intime que dans les grands districts, comme ceux de Québec et de Montréal, par exemple, où là, les juges sont nombreux. À Frontenac, nous n'avions qu'un seul juge, et pour cette raison, plaidions toujours devant celui-ci. Ce juge fut pendant quatre ans le juge Delisle.

Je le dis sans aucune hésitation, le juge Delisle a été l'un des meilleurs juges à siéger dans notre district. Et j'en ai vu passer bien d'autres en 35 années de pratique. Tous mes confrères avocats se souviennent qu'il était un juriste très compétent. Il connaissait son droit et la jurisprudence comme pas un.

Le juge Delisle avait l'air sévère et ne souriait pas beaucoup. Cela ne l'empêchait pas d'être d'un rapport agréable avec tout le monde.

En arrivant dans notre district, il a reconstitué une espèce de décorum qui s'était un peu perdu au cours des dernières années. Pour lui, la salle d'audience était comme une enceinte sacrée où les avocats devaient avoir un comportement digne. Ainsi, il ne tolérait jamais de mots vulgaires ou d'écarts de langage dans les échanges entre avocats.

Grande rigueur

Mais là où le juge Delisle nous fait la plus forte impression, c'est dans ses connaissances en droit et dans sa grande rigueur juridique. Je ne peux pas affirmer avoir bien connu cet homme, car, comme il se doit, il ne fréquentait pas les avocats susceptibles de plaider devant lui. Je l'ai connu seulement comme étant celui qui siégeait devant moi et jaugeait la valeur de mes arguments.

Avec le temps, je me suis rendu compte que la meilleure manière pour un avocat de gagner sa cause devant lui était de s'être bien préparé, de maîtriser à fond son dossier et de connaître la loi et la jurisprudence pertinente à la cause plaidée. Car lui la connaissait. Le juge Delisle a laissé sa marque lorsqu'il a siégé dans notre district judiciaire. Par sa rigueur, il a contribué à augmenter le niveau des débats juridiques qui s'y déroulaient.

Un événement tragique a mis fin à sa carrière de juriste, peu de temps après qu'il eut accédé au poste de juge à la Cour d'appel. Suivirent des accusations graves. La condamnation définitive est tombée il y a quelques jours.

Une question hantera toujours tout le monde: pourquoi a-t-il refusé de témoigner pour sa défense? Nul ne connaîtra vraiment jamais le motif de ce refus. Pour cet homme, l'intérêt supérieur de la justice devait passer avant toute autre considération. Cela y est peut-être pour quelque chose.