Le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, a déposé la semaine dernière un projet de loi visant la création de l'Agence des infrastructures de transport du Québec. Cette agence prendrait la relève du ministère des Transports. Ce geste du gouvernement soulève toutefois de préoccupations sérieuses. Encore une fois, le gouvernement favorise une politique myope.

Le bien-fondé de l'initiative de doter le Québec d'une autre agence à l'extérieur de la fonction publique est discutable. Le gouvernement n'a pas démontré sa capacité d'assurer la saine gouvernance des organismes indépendants par le biais de la nomination des conseils d'administration et la réception de rapports ponctuels. Les expériences douloureuses au CHUM et à Tourisme Montréal en témoignent.

On pourrait aussi s'inquiéter des implications du choix gouvernemental. Le ministre Gaudreault dit qu'il faut sortir les Transports de la fonction publique afin d'embaucher et rémunérer un personnel qualifié et d'assurer un travail indépendant. Cette admission, dévastatrice d'ailleurs, indique qu'une réforme importante de la fonction publique s'impose.

Cela dit, mon objection porte plutôt sur le moment choisi pour amorcer un tel changement.

Le gouvernement apporte une réforme majeure à la gouvernance du milieu des infrastructures de transport pendant les travaux de la commission Charbonneau. La tâche de cette dernière n'est pas seulement d'enquêter sur les faits du passé, volet apprécié par plusieurs téléspectateurs comme s'il s'agissait d'un téléroman. Elle est aussi chargée de faire des recommandations en vue d'assainir la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.

La Commission déposera un rapport intérimaire en janvier. Le rapport final n'arrivera qu'en avril 2015. La réforme du gouvernement est donc prématurée.

Le moment est d'autant plus mal choisi que les changements proposés ne seront pas facilement réversibles. Pensons au déplacement de 90% des employés du ministère des Transports vers la nouvelle agence, transfert qui fera du ministère une coquille vide. Considérons aussi la conclusion de nouveaux contrats d'emploi avec le personnel du nouvel organisme. Quelle sera la marge de manoeuvre du gouvernement si la commission Charbonneau recommande de renforcer le personnel et les contrôles au sein du ministère?

Le gouvernement n'est évidemment pas obligé d'accepter toute recommandation que lui fera la commission. Il incombe toujours au gouvernement d'étudier les recommandations et de retenir celles qui lui semblent justes. N'empêche qu'il est irresponsable de poser des gestes significatifs et irréversibles lorsqu'une étude experte, indépendante et interdisciplinaire est en cours. Si le gouvernement estime ne plus avoir besoin des recommandations de la commission Charbonneau, il devrait la dissoudre. Autrement, il vaut la peine d'attendre.

Les problèmes de collusion et de corruption se sont développés au fil des ans. Leurs causes sont multiples. Il est probable que les solutions appropriées seront complexes et d'une grande portée. Il est donc illogique de procéder petit à petit.

Quoique le gouvernement, une élection à l'horizon, ressente le besoin d'être vu en train d'agir, cette initiative doit être reportée. Exigeons de notre gouvernement qu'il ne gaspille pas les fonds publics en favorisant des solutions improvisées.