Depuis plusieurs mois, la fièvre du pétrole s'est emparée de la classe économique et politique québécoise. À en croire certains, le salut économique du Québec passe par deux oléoducs et deux gisements potentiels de pétrole, celui d'Anticosti et du golfe Saint-Laurent.

Et pendant que l'on s'échine sur ces projets, on garde le silence sur une vérité qui dérange: le principal talon d'Achille économique du Québec est sa dépendance au pétrole, et réduire notre consommation d'or noir serait plus profitable économiquement que de se lancer tête première dans l'industrie pétrolière.

Le Québec a un déficit commercial de 28 milliards$ et celui-ci est alimenté pour près de la moitié par les importations de pétrole, dont la valeur a considérablement augmenté depuis 2003 en raison d'une hausse des cours mondiaux du baril d'or noir. 

Le second produit d'importation du Québec est l'automobile, si bien que plus des deux tiers de notre déficit commercial trouvent leur source dans le couple pétrole-automobile. Le ménage québécois moyen consacre aujourd'hui 18% de ses revenus au transport, soit près d'un dollar sur cinq.

Cette situation est vue comme une fatalité par trop de gens. Pourtant, à la suite des chocs pétroliers de 1973 et 1980, le Québec a diminué sa consommation de pétrole de 40% en quelques années à peine, de 1978 à 1983. Cet exploit a été réalisé par des investissements majeurs dans la conversion au chauffage électrique et par d'autres mesures. 

Les bénéfices ont été énormes, non seulement pour l'économie québécoise, qui s'en est trouvée moins vulnérable à la hausse du prix du pétrole, mais aussi pour les ménages québécois, qui ont vu leur facture énergétique diminuer, un effet qui se fait toujours sentir aujourd'hui.

Imaginons un instant que le Québec se dote d'un plan ambitieux et pragmatique visant à réduire sa consommation de pétrole de 10% d'ici 2020, soit quatre fois moins que ce qui a été fait par le gouvernement Lévesque au tournant des années 1980. 

Ce plan remettrait en circulation 1,2 milliard de dollars dans l'économie du Québec, dont une partie importante reviendrait dans les poches des ménages, puisque ce sont eux qui paient la majeure partie de la facture pétrolière. Mieux encore: un tel plan diminuerait leur charge fiscale fédérale et provinciale puisque les taxes sur l'essence représentent près de la moitié du coût à la pompe. Le revenu disponible d'une majorité de ménages québécois s'accroîtrait, ce qui donnerait une bouffée d'oxygène à une classe moyenne surendettée.

Les avantages ne s'arrêtent pas là. Un plan d'action efficace pour réduire la consommation de pétrole devrait passer par les transports collectifs. Or, selon une étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, les investissements dans les transports collectifs génèrent 2,5 fois plus d'emplois et 2,7 fois plus de retombées économiques au Québec que les investissements dans nos routes.

Un plan qui réduit notre déficit commercial, augmente le revenu disponible des ménages, diminue le fardeau fiscal et crée de l'emploi. Cette vérité semble tellement dérangeante que l'élite économique et politique québécoise préfère l'ignorer. 

Le gouvernement Marois a été élu en faisant la promesse de réduire de 30% la facture de pétrole dans nos transports d'ici 2020. Mais plus d'un an après son entrée en fonction, on attend toujours le début d'un plan à cet égard. Qu'attend-on au juste pour s'y mettre?