Le Québec a pris depuis quelques années un important et nécessaire virage vers le financement public des élections municipales. Mais la transition n'est pas sans danger, particulièrement à Montréal, avec ses 1,2 million d'électeurs et ses 103 postes électifs.

La situation de Coalition Montréal, au lendemain des élections du 3 novembre dernier, illustre malheureusement les contradictions contenues dans la loi électorale. Le parti a mené une campagne frugale, limitant ses dépenses électorales à 750 000$, soit 65¢ par électeur ou 45% du montant autorisé, et ce, malgré que le parti présentait un candidat à la mairie relativement peu connu. 

La loi prévoit que les candidats ayant reçu plus de 15% des votes se voient rembourser 70% de leurs dépenses électorales. Ce seuil s'applique à 49 candidats de la Coalition, mais non au candidat à la mairie de Montréal, auquel est attribuée environ la moitié des dépenses électorales et qui n'a obtenu que 12,8% des votes. Ceci rend ses dépenses inéligibles à un remboursement, créant un déficit significatif dans le budget de campagne.

Bien qu'ayant obtenu au total 16,4% des votes (266 291 votes), et ayant recueilli plus de 360 000$ en contributions populaires, Coalition Montréal se retrouve dans un cul-de-sac. Il lui est techniquement impossible de rembourser ses créances d'ici le 31 janvier 2014, tel que le demande la loi, en l'absence d'un remboursement public basé sur le parti et avec le plafonnement des contributions individuelles à 100$ à partir du 1er janvier prochain. 

Si les règles ne sont pas modifiées, Coalition Montréal ne pourra pas déposer le rapport exigé par la loi et obtenir le remboursement, y compris pour les 49 candidats qui y auraient droit. Une cinquantaine de petits fournisseurs risquent de se retrouver sans aucun recours légal, et sans que personne ne puisse payer leurs créances.

Le Québec s'est engagé, tant au niveau provincial qu'au niveau municipal, sur la voie du financement public des élections. Mais il faut que les règles de financement public soient adaptées à cette situation. Elles le sont au niveau des élections provinciales, où le remboursement est assujetti à un seuil de 1% pour le total des votes d'un parti. Elles ne le sont pas au palier municipal, et surtout pour la Ville de Montréal.

Le cul-de-sac dans lequel se retrouve Coalition Montréal est dû principalement à la non-reconnaissance des partis municipaux comme véhicules électoraux pour le calcul du financement public, alors que la régulation du processus électoral repose sur les partis, qui contrôlent les dépenses. Le financement public est ainsi basé sur les aléas des résultats individuels des candidats, et non pas sur ceux du parti.

À titre personnel, je suis profondément troublé par cette situation. Ma responsabilité personnelle dans ce dossier se limite à 10 000$, la somme maximale que, par la loi, je peux garantir. Or si rien n'est fait, à mon grand désarroi et sans que je puisse intervenir, plusieurs centaines de milliers de dollars, engagés par des personnes qui m'ont fait confiance et qui croyaient que le nouveau régime de financement public leur assurerait un remboursement, seront spoliés. Il s'agirait d'une profonde injustice. Il n'y aurait pas de meilleur moyen pour asphyxier la démocratie municipale à Montréal.

L'Assemblée nationale ne peut faire abstraction des 266 291 votes qui ont été recueillis par les candidats de la Coalition, ni du mandat démocratique qu'ont reçu les six élus de la Coalition. Les règles de financement des élections de novembre 2013 doivent être modifiées pour reconnaître les partis municipaux non seulement pour leur responsabilité collective, mais aussi pour le calcul du remboursement des dépenses électorales.