Fidèle à lui-même, le Parti communiste en Chine a publié la semaine dernière un communiqué avare de détails au terme d'un plénum très attendu. Il s'agissait du troisième plénum sous le règne du présent secrétaire général Xi Jinping et du premier ministre Li.

Bien entendu, les attentes étaient très élevées, les réformes précédentes ayant connu beaucoup de succès. Désormais, on semble vouloir miser davantage sur une réforme agraire d'importance. Malgré l'absence de précisions, ce changement de ton à Pékin marque le début d'une nouvelle ère pour le pays. Plus encore, les réformes annoncées bouleverseront probablement le domaine agroalimentaire sur toute la planète.

Les producteurs agricoles n'ont actuellement aucun droit de propriété en Chine. Leurs terres appartiennent à l'État. En octroyant ce droit précieux aux agriculteurs, comme cela a été annoncé, le gouvernement verra la taille moyenne des fermes en Chine augmenter de façon significative. De plus, les quelque 230 millions d'habitants qui ont déjà quitté les régions rurales au cours des dix dernières années pour s'établir en ville auront accès à des actifs pour acheter une résidence dans un centre urbain, et ainsi contribuer à une économie de consommation qui prend tranquillement son envol. 

Une nouvelle réforme agraire passe donc par la reconnaissance légale des droits d'usage sur les terres rurales. L'enjeu est de donner aux agriculteurs des ressources financières suffisantes pour les amener à déménager volontairement dans les zones urbaines.

Ce changement est absolument nécessaire. Les fermes chinoises sont loin d'être performantes. En comparant la Chine et le Canada par exemple, le contraste est frappant. Un hectare de terre au Canada produit en moyenne pratiquement le double qu'un hectare de terre chinoise. En raison du grand nombre de petites fermes, la Chine manque d'accès à de l'engrais abordable, à une technologie agricole performante ainsi qu'à des paiements d'appoints de l'État qui font souvent toute la différence.

De surcroît, pour s'assurer d'une sécurité alimentaire décente, la Chine est maintenant le plus grand acheteur de grains américains, important plus de 35 milliards de denrées agroalimentaires par année, une dépendance qui agace Pékin. Puisque la Chine détient à peine 10% des terres arables mondiales, mais compte pour 22% de la population, l'autosuffisance alimentaire est un enjeu crucial pour un pays qui a souvent souffert de la famine. Les fermiers doivent donc être incités à produire davantage.

Le tout doit bien sûr se faire de façon durable. En se promenant dans les régions rurales, on est frappé par le manque de responsabilisation environnementale. L'érosion des sols, la pollution atmosphérique et la contamination des nappes phréatiques créent de plus en plus un malaise chez les Occidentaux, et les Chinois le savent. Et puisque le scandale du lait contaminé par la mélamine les hante toujours, la question de la salubrité alimentaire demeure un enjeu important. Ces besoins sont criants et l'agriculture chinoise doit agir avant qu'il ne soit trop tard.

En principe, le plus récent plénum a vu le gouvernement chinois exprimer le désir de laisser le marché jouer un rôle décisif à l'avenir pour plusieurs secteurs économiques, incluant l'agriculture. L'intelligence collective que démontre le pays le plus peuplé de la terre depuis quelques années ne doit pas être sous-estimée. En considérant son palmarès, la Chine atteindra vraisemblablement ses objectifs au moment opportun, selon un calendrier qu'elle aura elle-même défini.

Pour nous, Occidentaux, ces réformes signifient la fin éventuelle d'une période où les produits provenant de la Chine étaient très abordables. Pour la santé des humains et de notre planète, c'est un scénario qui est éminemment souhaitable.