Le Québec, on le sait, est le champion de l'hydroélectricité: nous produisons 190 milliards de kilowattheures par année, derrière la Chine, le Brésil et les États-Unis. Par habitant, cela fait une production de près de 24 000 kWh - seule la Norvège nous dépasse sur cet aspect avec plus de 30 000 kWh d'hydroélectricité produite par personne.

Notre gouvernement provincial a aussi décidé qu'Hydro-Québec devrait acheter de l'électricité éolienne: il y a aujourd'hui 1655 MW de capacité de production installée, 1000 MW en construction, presque 500 MW supplémentaires projetés... et un autre 800 MW a été annoncé en août dernier par le gouvernement Marois, pour «soutenir l'industrie manufacturière des composantes d'éoliennes».

Si tout le monde est pour l'emploi et l'énergie renouvelable, le contexte énergétique du Québec est préoccupant: Hydro-Québec prévoit des surplus d'énergie renouvelable de 4 à 5 milliards de kWh par année pour les 10 prochaines années. 

Que décidons-nous maintenant de faire, avec ces surplus, et avec ceux qui vont s'ajouter rapidement (800 MW d'éolienne supplémentaire, La Romaine)? Construire d'autres centrales de production d'énergie!

La fille des filières hydraulique et éolienne est l'hydrolienne. C'est l'utilisation du courant, à la place du vent, pour faire tourner une turbine générant de l'électricité. Cette semaine Pauline Marois a annoncé un investissement du gouvernement de 25 millions dans cette technologie, suivi en 2016 d'une autre injection de 60 millions, si les résultats sont concluants. Cette annonce pourrait couler de source, dans notre ère où il faut réduire l'utilisation des énergies fossiles et intensifier la recherche dans les énergies alternatives. 

Malheureusement, tout indique que l'annonce de ce projet à Bécancour, où la centrale nucléaire de Gentilly a été fermée par ce même gouvernement, n'est qu'une mise en scène politique et n'a rien de la promesse industrielle qu'elle voudrait laisser espérer.

D'abord, la technologie. Les hydroliennes font partie de la famille des énergies marines renouvelables, incluant les énergies marémotrice, houlomotrice (vagues), les éoliennes flottantes, l'énergie thermique des mers et l'énergie osmotique (utilisant des propriétés de la rencontre des eaux douces et salées). 

Les principaux projets sur terre utilisent les courants marins, qui peuvent être beaucoup plus intéressants que le courant des rivières. Un des premiers projets, 20 MW opérationnels depuis 1984, se situe en Nouvelle-Écosse dans la Baie de Fundy, connue pour ses courants marins extrêmement puissants.

Les développements annoncés, et les premiers marchés à prendre seront ceux en bordure de mer - et non dans les cours d'eau. La France a ainsi de grandes ambitions dans ce domaine, où des joueurs importants comme Alstom et Siemens entendent profiter du tarif garanti de 24¢/kWh payé pour la production d'hydroliennes.

RER Hydro, la PME québécoise bénéficiant de l'investissement du gouvernement québécois, aura bien du mal à convaincre quiconque d'acheter sa technologie quand des projets plus avancés se font ailleurs, dans des contextes plus prometteurs. C'est d'ailleurs pourquoi aucun autre investisseur, comme Investissement Québec ou Cycle Capital, n'a mis un sou dans cette technologie, malgré leur intérêt marqué pour le secteur de l'énergie et les technologies propres. 

En ce qui concerne la recherche, les universités québécoises ne travaillent pas sur les hydroliennes - les réseaux de recherche canadiens sont en Colombie-Britannique, au Manitoba, à Ottawa et à Halifax. Le partenaire commercial et technique de RER Hydro est Boeing, qui n'a aucune présence industrielle au Québec. Le terreau québécois sur lequel la filière hydrolienne prendrait son essor est pratiquement inexistant.

Une fois de plus, l'opportunisme politique aura pris le dessus sur l'analyse raisonnée. Les consommateurs d'électricité devront payer la facture, sans que l'environnement ou l'économie ne s'en portent mieux.