Au moment où les défis de notre économie commanderaient un vaste ralliement des Québécois sur les enjeux du développement et de l'emploi, le projet de loi sur la charte de la laïcité présenté par le gouvernement crée un climat de tension, alimente les divisions et contribue à ternir la réputation du Québec à l'étranger.

La Fédération des chambres de commerce du Québec a déjà exprimé les vives réticences de son réseau à l'égard ce projet de loi. Rappelons d'ailleurs que nous avions envoyé à la première ministre du Québec, le 20 septembre dernier, une lettre dans ce sens approuvée par le conseil d'administration de la FCCQ, composé de chambres de commerce de toutes les régions du Québec et de représentants des principaux secteurs de l'économie.

Tous les observateurs avaient compris, des intentions exprimées jusqu'ici par le gouvernement, que l'interdiction, avec laquelle la FCCQ est en parfait désaccord, de porter des signes religieux serait limitée aux institutions publiques. Or, l'article 10 du projet de loi prévoit que «toute personne ou société avec laquelle (le gouvernement) conclut un contrat de service ou une entente de subvention» pourrait être assujettie aux mêmes obligations. Bref, on veut manifestement entraîner un grand nombre d'entreprises dans ce sillage.

Cette disposition est totalement insensée et il faut absolument que le gouvernement déclare sans ambiguïté qu'il a l'intention de l'amender afin de soustraire toutes les entreprises privées de l'obligation d'imposer à leur personnel une interdiction de porter des signes religieux.

Dans le contexte québécois, la croissance de la main-d'oeuvre se fait essentiellement par l'immigration, notamment, dans les domaines de pointe où les entreprises s'arrachent les plus grands spécialistes. Le gouvernement et les entreprises déploient depuis quelques années des efforts afin de promouvoir la diversité en emploi. 

Prenons, pour ne nommer que ceux-là, les firmes de technologie de l'information, les centres de recherche et les hôpitaux qui accueillent des travailleurs des quatre continents. Devront-ils souligner désormais dans leurs critères d'embauche que le gouvernement n'autorise pas le port de la kippa ou du voile islamique sur leur lieu de travail, bien qu'il s'agisse d'une entreprise privée? Nous serions bien parmi les seuls au monde à pousser l'obsession de la laïcité jusqu'à ce niveau.

On a peine à croire que le gouvernement envisage, même à titre d'hypothèse, une telle règle d'application de la charte. Pourtant, puisque le législateur ne parle pas pour ne rien dire, c'est bien ce que prévoit le projet de loi.

Au nom de la communauté d'affaires qu'elle représente, la Fédération trouve proprement aberrante l'idée que les entreprises privées soient soumises aux mêmes contraintes. On accepte volontiers que l'État vienne dans les entreprises pour vérifier les normes de sécurité des employés ou le respect des règles fiscales, mais pas pour s'ingérer dans leur politique en matière de port de signes religieux au travail.

En plus de réitérer son opposition à l'interdiction du port de signes ostentatoires pour tous les employés de la fonction publique, la FCCQ demande avec insistance à la première ministre de déclarer que la charte ne s'appliquera d'aucune manière aux entreprises privées. La FCCQ a bien l'intention de faire entendre son point de vue en commission parlementaire.