Depuis quelques mois, ma fille de 11 ans me demande sans relâche d'avoir un compte Facebook. Sur le site, il est stipulé qu'il faut avoir au moins 13 ans pour s'y inscrire. Alors, chaque fois je réponds la même chose: «L'âge pour avoir un compte Facebook est 13 ans ma chérie.»

Par contre, je réalise que plusieurs jeunes de son entourage (6e année, quartier assez favorisé de banlieue) ont leur propre compte, avec l'approbation des parents de surcroît. 

Ça me préoccupe beaucoup. Je ne suis pas un dinosaure que la technologie rebute, mais je m'inquiète de voir comment on cède à la pression sociale.

Toujours selon le site de Facebook, on peut signaler un enfant sous l'âge minimum en suivant une procédure spéciale de délation. Évidemment, je ne dénoncerai personne, mais je peine à comprendre que des parents acceptent de laisser leur enfant mentir sur leur âge en toute connaissance de cause. Quel message leur envoie-t-on?

La volonté de conformisme à l'adolescence est forte et nous y sommes tous passés (cheveux comme ceci, manteau comme cela, telle marque de vêtements, etc.) À ce niveau, il est possible de faire des compromis avec notre ado. Toutefois, avec Facebook, pas de compromis possible, c'est oui ou non. Et, parce que nous décidons de respecter la recommandation de Facebook, c'est nous qui sommes les parents les plus nuls de la terre.

Je comprends qu'être le parent le plus nul est un passage obligé quand on a un adolescent, mais cet affrontement pourrait facilement être évité si les parents se montraient solidaires. Que vont réclamer nos ados ensuite? À mes yeux, le concept d'attendre et d'espérer quelque chose a encore une valeur importante et j'ai de la difficulté à l'inculquer à ma fille dans ce contexte.

Dans un autre ordre d'idées, je trouve particulièrement dommage que plusieurs jeunes en arrivent à croire qu'une meilleure estime d'eux-mêmes reposera, notamment, sur le nombre de commentaires positifs associés à une photo. Comment convaincre ensuite notre enfant que l'école, la culture, le sport et la bonne vieille gentillesse demeurent des valeurs importantes?

Finalement, à 11-12 ans, les jeunes ne mesurent pas la portée de ce qu'ils écriront sur leur fameux mur. Quand ils auront atteint 16 ans, 20 ans, 30 ans, ces informations seront encore disponibles... Le souhaiteront-ils? N'est-ce pas notre rôle de parent de les préserver encore un peu ou, à tout le moins, de leur en parler?

Je dis souvent à ma fille: «C'est beaucoup plus difficile pour moi de te dire non que de te dire oui. Parce le non implique une réflexion, une explication, une argumentation. Alors qu'un oui me libère de tout ça et te rend momentanément heureuse!» A-t-on besoin d'avoir la paix à ce point?