Je suis francophone et souverainiste. Je suis aussi pédopsychiatre depuis une quinzaine d'années, et j'ai toujours pratiqué à Montréal depuis la fin de ma formation.

Dans le débat sur la charte des valeurs québécoise, je ne me reconnais pas, et je ne reconnais pas le Québec d'aujourd'hui, un Québec bigarré, coloré et «métissé serré» comme disait Boucar Diouf, en particulier en ce qui concerne sa métropole, mais aussi de plus en plus ses régions plus éloignées. 

Dans mon travail comme dans ma vie personnelle, ce sont toujours les valeurs d'égalité, de justice sociale et de solidarité avec les plus démunis, ici et comme ailleurs, qui m'ont animée. 

La prise en compte de la pluralité comme une source de richesse et de renouvellement pour la société m'apparaît inévitable et essentielle, surtout pour un parti qui a toujours prôné à la fois la souveraineté, mais aussi des valeurs progressistes et de justice sociale. 

Dans ce nouveau berceau multiculturel où s'élabore progressivement le Québec de demain, l'éducation à la tolérance et à l'apprivoisement des différences, en particulier les différences visibles, mais pas seulement celles-là, m'apparaît précieuse et importante.

Je m'oppose aussi à cette charte des valeurs en raison de mon expérience de travail clinique auprès de populations vulnérabilisées et fragilisées. Souvent, comme les études épidémiologiques le démontrent à répétition, ce sont les conditions socio-économiques fragiles qui font le lit des problèmes de santé mentale, pour les enfants comme pour les adultes. 

De plus, plusieurs travaux ont démontré que la discrimination et les petits actes racistes de la vie quotidienne avaient de réels effets sur la santé mentale des individus victimes de ces actes souvent banalisés. Dans mon travail clinique, j'ai observé plus d'une fois l'importance de pouvoir reconnaître et valoriser les individus et les familles dans leurs différences pour pouvoir les aider à retrouver du pouvoir sur leur vie et retrouver confiance dans leur environnement.

Le sentiment d'injustice produit toujours, pour tous les individus, de la frustration et de la colère. Comme en témoignent de nombreuses études, qui se sont notamment intéressées aux enjeux des Premières Nations du Canada, une identité culturelle forte, qui comprend aussi des croyances et pratiques religieuses, apparaît comme une source de résilience importante pour la santé mentale. J'observe cela au quotidien dans mon travail clinique.

J'ai aussi observé que certaines des mères de mes patients, de religion musulmane, étaient arrivées au Québec non voilées, mais avaient décidé de porter le voile souvent plusieurs années plus tard, souvent en réponse à un sentiment de se retrouver fragilisés et vulnérabilisés par les projections négatives dont leur communauté d'origine faisait l'objet. 

Cela a notamment été le cas à la suite des événements du 11-Septembre, qui ont malheureusement entraîné de nombreuses réactions racistes à l'endroit des musulmans dans plusieurs pays du monde, dont au Québec, même quand ils étaient parfaitement intégrés.

Le Québec ne peut se payer le luxe de favoriser des replis identitaires et la radicalisation d'une frange de sa population en adoptant des politiques qui favorisent la stigmatisation et non la tolérance et la promotion de l'intégration sociale et de la bonne santé mentale de ses membres.