Denis Coderre est tombé dans la politique quand il était petit. Il est l'irréductible Gaulois de la politique canadienne.

Jeune professeur, à la fin des années 1980, j'avais une classe studieuse et tranquille. Jusqu'à ce que survienne un étudiant incontournable et bouillant qui allait vite mettre la classe sens dessus dessous. La moitié des étudiants étaient pour lui, l'autre contre. Doué et travailleur, il venait me demander conseil dans mon bureau en amenant sa «gang» avec lui: la gang à Coderre.

Aujourd'hui, on ne peut pas dire que tous mes anciens collègues du département de science politique de l'Université de Montréal aient gardé un bon souvenir de Denis Coderre. Mais aucun ne l'a oublié.

Les traits de caractère que j'avais décelés chez l'étudiant, je les ai observés pendant 16 années de politique fédérale. Denis Coderre est tout en contraste, fort et entier, mais attentif et compatissant; travailleur comme quatre, mais bon vivant; coloré, mais cultivé (même s'il essaie de le cacher, en bon populiste); à la fois homme d'écoute et homme d'action, carré et versatile. Il sait s'adapter à son public et à ses interlocuteurs, qu'ils soient urbains ou ruraux, syndicalistes ou gens d'affaires, francophones, anglophones ou allophones, canadiens ou étrangers.

Un vrai gars de chez nous, il est en même temps d'un cosmopolitisme accompli et doué pour les langues étrangères.

Tout chez cet homme de contraste est disproportionné, y compris sa mémoire d'éléphant: il oublie rarement un lieu, un nom, une date, une lecture qu'il ait faite.

Certains regardent de haut, et font l'erreur de sous-estimer ce politicien de terrain, proche des gens et qui pratique une politique traditionnelle sans avoir la prétention de la réinventer. Mais Denis Coderre est aussi un homme de contenu qui sait fort bien maîtriser les questions complexes. Combien de fois un parlementaire ou un fonctionnaire m'a dit: «Je croyais qu'il allait faire un fou de lui, mais non, il a maîtrisé la situation, à l'étonnement de tous.»

Cela dit, ce meneur d'hommes à l'égo démesuré a aussi ses défauts (nous en avons tous). Il faut les lui rappeler, en toute amitié, pour qu'il cherche à les corriger au moment où l'avenir de Montréal lui est confié.

La colère est rarement bonne conseillère, mais il y cède parfois, ce qui peut lui faire commettre des erreurs. Son caractère entier peut lui valoir inutilement des inimitiés. Son tour venu de parler lors de réunions, je l'ai entendu plus d'une fois tonner: «Bon... là on va se dire les vraies affaires», insultant du coup toutes les personnes qui s'étaient exprimées avant lui.

Ce solide capitaine, qui sait tenir le gouvernail dans les eaux démontées, n'a pas encore démontré qu'il savait ramer à contre-courant quand c'est nécessaire pour éviter le naufrage. Hyperprudent, il confond parfois le «sens du terrain» avec le refus de remettre en cause l'ordre des choses. Il aura assez de fermeté pour purger l'administration et exercer une pression sur les gouvernements supérieurs, mais aura-t-il assez d'audace et d'imagination pour repenser l'urbanisme de Montréal?

Montréal s'est donné un homme fort. Saura-t-il devenir visionnaire? Espérons que la fonction fera l'homme.

Dans l'immédiat, le député de Saint-Laurent-Cartierville rappelle au nouveau maire de Montréal qu'il est grand temps de compléter le boulevard Cavendish...