Je remercie Mario Roy d'avoir porté à notre attention (La Presse, 2 novembre) le panel qui se tiendra le 15 novembre dans le cadre des Munk Debates à Toronto, qui pose la question, sexiste s'il en est, de savoir si l'homme est obsolète.

Le fait que l'on se pose cette question publiquement reflète un déséquilibre profond dans la manière de débattre de la question du genre, c'est-à-dire la façon dont les hommes et les femmes sont perçus et représentés dans notre société. 

Pour résumer une série de représentations qui sont certes plus nuancées, on en vient au constat que la femme tend à être représentée comme victime et l'homme comme bourreau.

Ceci se reflète dans les prémisses du débat sur l'obsolescence des hommes. Si c'étaient les femmes qui vivaient moins longtemps, qui avaient de moins en moins accès aux universités, qui avaient de moins en moins accès aux nouveaux emplois, alors toute l'idéologie et la machinerie administrative féministes se mettraient en branle, avec raison, pour souligner ces injustices et tenter de rééquilibrer les choses: on ne se permettrait certainement pas de dénigrer les femmes en remettant en cause leur existence même.

Le biais de société voulant que les femmes soient toujours désavantagées est maintenant imbriqué dans nos statistiques mêmes: par exemple l'indice des Nations Unies qui vise à mesurer l'égalité des genres, le Gender Inequality Index, est en gros la somme pondérée des retards des femmes sur un ensemble de statistiques telles l'éducation, la santé, la durée de vie, etc. 

Cependant, l'avance des femmes sur certaines mesures, notamment en ce qui concerne l'éducation et la durée de vie, du moins dans les pays occidentaux, n'est pas prise en compte: par construction, cet indice ne pourra jamais identifier les circonstances où les hommes sont désavantagés. Du coup, cette mesure, qui est le reflet d'une certaine idéologie, ne peut que constater - et constate sans surprise - que les femmes ont partout un retard sur les hommes.

Mais les hommes ne sont-ils pas aussi des personnes à part entière? Si la réponse est négative, alors soit: prenons à la légère chaque violence contre un homme, oublions chaque désavantage lié à sa masculinité, et ayons des débats frivoles à ses dépens. 

Mais aussi soyons honnêtes: reconnaissons que nous avons largement dépassé la question de l'égalité homme-femme et que le débat actuel intériorise d'autres valeurs, c'est-à-dire celles de la supériorité féminine et du droit de déshumaniser les hommes. 

Si, par contre, les hommes sont des personnes à part entière, alors il est temps de prendre au sérieux les problèmes et injustices structurels de toutes sortes, même ceux dont peuvent être victimes les hommes.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit: au Canada et au Québec il devient important de mettre en avant l'idée que les hommes sont des personnes, des êtres humains qui peuvent aussi subir des injustices structurelles. 

Si la valeur fondamentale que nous défendons est l'égalité des sexes, et non la supériorité de l'un par rapport à l'autre, il s'agit de regarder de près quels sont les déséquilibres dans notre société qui favorisent injustement les hommes, mais aussi de regarder de près - et tout aussi sérieusement - quels sont les injustices et déséquilibres qui favorisent injustement les femmes.

Ces dernières ne sont pas toujours victimes, et le fait que certaines d'entre elles se permettent de demander si la moitié de l'humanité est obsolète démontre bien que parmi elles se trouvent des bourreaux en herbe.