Dans le débat sur la charte des valeurs québécoises, on parle de deux choses distinctes: la laïcité et l'égalité homme femme. La vie m'a amenée à les traiter séparément.

L'accès au travail pour les femmes fait partie de leur quête de l'égalité. La discrimination à l'embauche pour les femmes portant le hidjab ne doit pas être mise de l'avant. Être sur le marché du travail, jouer un rôle social, être indépendante économiquement sont des aspects primordiaux de cette quête.

En 1967, je sortais de l'école des infirmières de l'Hôpital Maisonneuve. La plupart d'entre nous sont allées sur le marché du travail et ont vécu notre vie de jeunes adultes. Quelques années plus tard, nous voulions avoir des enfants, mais ne voulions pas laisser nos enfants dans des «parkings» d'enfants. Nous voulions de bonnes garderies avec des éducatrices payées par l'État. 

Alors nous avons commencé à ouvrir des garderies populaires avec les moyens du bord, dans certains cas en prenant possession d'écoles désaffectées. Des femmes, des hommes aussi ont porté ces garderies sur leurs épaules pendant des années, en attendant qu'un réseau soit créé.

Nous tenions à continuer à travailler tout en ayant des enfants. Personnellement, si j'avais dû quitter mon travail, j'aurais été condamnée aux antidépresseurs. Dans les faits, nous nous battions pour le droit des femmes au travail, pour conserver une autonomie, une indépendance économique. 

Puis, en restant sur le marché du travail, les femmes se sont battues pour l'équité salariale, pour l'égalité des chances d'accéder à certains postes. C'est notre présence en milieu de travail et notre désir d'y rester qui a été le moteur de notre émancipation, étape par étape, pour être des citoyennes à part entière.

L'État, par le biais de ses institutions publiques, est un grand créateur d'emplois qui, pour certaines catégories, sont occupés traditionnellement par des femmes. Refuser aux femmes des emplois sous prétexte qu'elles portent un symbole religieux, au nom de l'égalité, est un non-sens. C'est l'inverse de ce qui devrait être fait. On ne peut pas acculer quelqu'un au pied du mur pour le forcer à choisir entre une conviction intime et mettre du pain sur la table. Ces femmes ont étudié pour travailler dans un domaine qu'elles aiment, laissons-les travailler et elles seront heureuses. Et nous aussi. Et si un jour une femme voilée décide d'enlever son voile, ce sera sa décision et elle en sera heureuse.

La laïcité de l'État est essentielle. On ne doit pas mêler politique et religion. La laïcité des institutions publiques, que ce soit dans le milieu de l'éducation, de la petite enfance ou de la santé, c'est essentiel aussi. C'est-à-dire que ces institutions ne doivent pas être soumises à quelque religion que ce soit pour ce qui est du programme pédagogique pour les CPE ou des programmes d'enseignement du ministère de l'Éducation au primaire et au secondaire. Les cégeps et universités s'inspirent des mêmes principes de laïcité. Cette laïcité garantit un accès pour tous aux services, quelle que soit sa religion.

En ce qui a trait aux signes religieux ostentatoires dans les établissements d'enseignement, il ne devrait y avoir aucune discrimination si la personne accepte de respecter le programme pédagogique mis au point par le gouvernement.