Le récent déraillement d'un convoi du CN en Alberta impliquant 13 wagons contenant du gaz de pétrole liquéfié, dont trois ont explosé, relance le débat sur la sécurité du transport de produits pétroliers par train. Souhaitons que les promoteurs du transport par pipelines ne profitent pas de l'accident, comme ils l'ont fait après la tragédie de Lac-Mégantic, pour suggérer que leurs infrastructures sont plus sécuritaires. Car cette attitude souffre de deux lacunes.

La première est que tant les producteurs de pétrole au début de la chaîne, que les raffineurs à l'autre bout, ne voient pas les moyens de transport qui s'offrent à eux comme une question de choix. C'est plutôt une question de coûts et de disponibilité. Ils prennent des décisions d'affaires. Pour répondre à la demande, le CN entend doubler, pour la deuxième année, le pétrole qu'il transporte.

La raffinerie Valéro de Lévis souhaite qu'Enbridge puisse inverser sa ligne 9b pour s'y fournir en pétrole de l'Ouest. La raffinerie est déjà desservie par chemins de fer, éventuellement jusqu'à 100 wagons par jour, et également par navires. L'inversion de 9b lui donne une troisième option. Dans un marché plus que volatil, c'est dans son intérêt de garder le maximum d'options ouvertes.

L'autre lacune dans le raisonnement des entreprises de transport d'hydrocarbures, c'est que le transport par pipelines a également ses ratés. Voici deux exemples récents. Le 29 septembre dernier près de Tioga au Dakota du Nord, un pipeline appartenant à Tersoro Logistics s'est fissuré, déversant 20 600 barils ou 3 250 000 litres de pétrole sur un champ.

On apprend le 17 octobre dernier que le gazoduc North Central Corridor de la compagnie TransCanada, construit en 2010 et faisant partie du réseau Nova, transportant 1,6 milliard de pieds cubes de gaz naturel par jour, s'est fissuré à 140 km à l'ouest de Fort McMurray, au coeur du pays des sables bitumineux du nord de l'Alberta. L'impact est si important que des producteurs comme Suncor et Syncrude ont dû ralentir leurs activités.

La question n'est pas de savoir quel est le meilleur moyen pour transporter du pétrole, mais jusqu'à quand allons-nous en transporter? Nous savons tous que l'accélération du réchauffement climatique nous obligera, tôt ou tard, à délaisser la production intensive de gaz à effets de serre.

Mais l'action doit se faire d'abord à l'échelle individuelle si elle doit avoir du succès. Pourquoi est-ce si difficile? Parce que la consommation de pétrole est au coeur de nos vies. C'est même devenu le rite par lequel on passe de l'adolescence à la vie adulte.

Maintenant que le tabac n'a plus la cote, on devient adulte quand l'État nous permet de conduire. Chez les gens plus aisés, ce passage correspond au don de la première auto. Comment allons-nous permettre aux prochaines générations d'entrer dans le monde adulte?