Pour peu qu'on examine l'histoire de la Cour suprême du Canada, de la Cour de l'Échiquier et de la Cour d'appel fédérale, la controverse entourant la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême du Canada me semble être une tempête dans un verre d'eau.

La Cour suprême est établie en 1875, par la même loi qui établit la Cour de l'Échiquier. Leurs juges sont les mêmes. Il y a six juges. Ils doivent tous, ou bien être ou avoir été membres d'une cour supérieure provinciale, ou bien compter au moins dix ans de pratique au sein d'un barreau provincial. La Loi garantit que deux des six juges seront du Québec, auquel cas la cour supérieure provinciale sera la Cour supérieure du Québec ou la Cour du Banc de la Reine du Québec, et le barreau provincial sera celui du Québec. Bref, les conditions de nomination sont exactement les mêmes pour les quatre juges hors Québec que pour les deux juges du Québec.

À l'heure actuelle, le nombre de juges est passé de six à neuf, mais les conditions de nomination sont exactement les mêmes, avec les adaptations de circonstances. Ces dispositions ont rendu possible la nomination d'avocats ayant à leur crédit dix ans de pratique et n'ayant jamais été juges, comme les juges de Grandpré et Pratte, du Québec, et les juges Sopinka et Binnie , de l'Ontario. Elles ont également permis la nomination de juges de la Cour d'appel fédérale, non parce qu'ils étaient membres d'une cour supérieure provinciale, car la Cour d'appel fédérale est une cour supérieure fédérale, mais parce qu'ils avaient été membres d'un barreau pendant au moins dix ans: les juges Le Dain et Iacobucci, de l'Ontario, et le juge Rothstein, du Manitoba.

Il faut comprendre qu'en 1875, il n'existait aucune autre cour supérieure au Canada que les cours supérieures provinciales et que, comme aujourd'hui, la nomination des juges des cours supérieures relevait du gouvernement fédéral, lequel voulait s'assurer que ce soit lui qui ait établi les conditions d'éligibilité des juges, anciens et actuels, qu'il nommait à la Cour suprême .

Le 1er juin 1971, la Cour fédérale, une cour qualifiée de «cour supérieure d'archives», succède à la Cour de l'Échiquier. Sa loi constitutive assure alors, et depuis, une représentation québécoise, le tiers des juges environ devant avoir été ou être membres de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec, ou avoir été membres du Barreau du Québec pendant au moins dix ans. Ce sont là, à quelques virgules près, les mêmes conditions d'éligibilité que l'on retrouvait en 1875 et que l'on retrouve encore aujourd'hui dans la Loi sur la Cour suprême. Bref, la représentation québécoise, en Cour fédérale, est assurée de la même façon qu'en Cour suprême.

En conséquence, je crois permis d'affirmer que le juge Nadon, un avocat qui compte plus de dix ans de pratique au sein du Barreau du Québec, répond aux exigences d'éligibilité de la Loi sur la Cour suprême. Il n'aurait pas, cependant, pu être nommé juge suppléant.