Il y a des dossiers pour lesquels je me passionne. La liberté individuelle en est un.

À 17 ans, j'ai décidé d'être libre, de voler de mes propres ailes. Je devenais un être unique et autonome. Néanmoins, sauf si l'on vit sur une île déserte, cette liberté s'assortit du devoir et du respect des libertés des autres.

Mon premier combat, comme professeur de biologie humaine, a été la cigarette. J'enseignais à mes élèves les dommages causés par les centaines de produits cancérigènes contenus dans cette fumée. À l'époque, les années 80, les élèves du second cycle du secondaire étaient autorisés à fumer à la cafétéria. C'était ainsi dans la majorité des écoles québécoises. Avec la complicité de mes étudiants, nous avons mis sur pied une campagne de sensibilisation, puis colligé plusieurs centaines de signatures pour bannir la cigarette dans l'école. Lorsque j'ai présenté la pétition à la direction, on m'a répondu qu'il ne fallait pas exagérer, que cette interdiction pourrait causer préjudice aux libertés individuelles! Mais qu'en était-il des libertés individuelles des non-fumeurs?

Mon second combat a été celui de la langue. Adolescent, ayant eu des difficultés à me faire servir en français dans des boutiques du centre-ville de Montréal, début des années 70, et m'étant fait répondre «speak white» par une vendeuse condescendante, j'avais été enthousiasmé lorsque la loi 101 avait été proposée. Encore une fois, la question des libertés individuelles tenait le haut du pavé. Il n'était pas question, pour les défenseurs des droits et libertés, d'imposer des contraintes aussi importantes aux anglophones et allophones vivant au Québec. Mais qu'en était-il des libertés individuelles des francophones?

Avant moi, de nombreux Québécois se sont battus pour rendre les commissions scolaires non confessionnelles et permettre aux femmes une équité au travail bien légitime. En 2000, l'Assemblée nationale abolissait les commissions catholiques et protestantes et laïcisait le ministère de l'Éducation.

Aujourd'hui, avec le projet de Charte des valeurs québécoises, nous revenons à la case départ.

Les immigrants ont toujours été présents au Québec et leur apport est essentiel à notre diversité. Néanmoins, comme nos prédécesseurs l'ont fait auparavant, il nous faut baliser l'espace public pour éviter les dérapages. Les débats des dernières années autour des «accommodements raisonnables» nous ont fait prendre conscience de la nécessité d'un cadre bien défini quant aux demandes répétées d'accommodements religieux.

Jadis, au Québec, il était de coutume de recevoir l'enseignement de professeurs portant la soutane. Nous étions dans des écoles confessionnelles gérées pas l'Église catholique. Nous nous sommes mis d'accord en 2000 pour rendre les écoles et les commissions scolaires laïques, et les cours de «religion catholique» ont été remplacés par des cours d'«éthique et culture religieuse». Ainsi, les libertés individuelles étaient rétablies. Chaque élève avait le droit inaliénable à sa propre religion.

Mais que veulent les détracteurs de la Charte de valeurs québécoises?

Quand le gouvernement insiste pour la neutralité de l'État, il appelle justement à la liberté d'expression et de religion de ses citoyens! Va-t-on revenir en arrière et autoriser les prêtres à porter de nouveau la soutane devant leurs étudiants? Nos classes sont multiculturelles aujourd'hui. Que diraient les musulmans? Les agnostiques? Les athées? Comment serions-nous perçus internationalement?

Cette liberté individuelle, si chère aux détracteurs de la charte, serait alors bafouée!

Je suis pour la charte des valeurs québécoises s'appliquant aux employés de l'État, car elle permet l'expression libre de la religion et des opinions politiques des citoyens québécois de toute allégeance. L'employé de l'État, professeur, éducateur, médecin, policier, juge, greffier ou percepteur, n'a pas à influencer la clientèle politiquement ou religieusement. Il doit rester neutre pour permettre la liberté d'expression multiculturelle de notre société.