On associe souvent le mouvement des foodies avec la fine cuisine ou la gastronomie relevée qui dépasse l'imaginaire. La relation sentimentale qu'ont les consommateurs avec l'alimentation est en constante mutation. Pendant que certains foodies s'en tiennent à l'expérience culinaire, d'autres s'intéressent à l'origine des aliments. Cette mouvance affecte maintenant l'ensemble de l'industrie agroalimentaire, incluant la restauration rapide.

La chaîne A&W annonçait récemment qu'elle s'approvisionnerait dorénavant de viandes naturelles, sans hormones de croissance et sans stéroïdes. A&W est une chaîne privée, basée à Vancouver, qui exploite 791 restaurants au Canada. La nouvelle a été accueillie avec scepticisme par certains, accusant la chaîne d'opportunisme médiatique. D'autres chaînes, comme Ashton dans la région de Québec, ont aussi fait une annonce semblable.

Selon certaines sources, le boeuf naturel qui sera acheté par A&W proviendra désormais de trois éleveurs, dont un du Canada. Bien qu'il soit approprié de s'interroger sur la stratégie d'approvisionnement et le prix que les consommateurs vont devoir payer pour une telle viande, l'annonce d'A&W marque une période charnière pour l'industrie de la restauration rapide.

Sous-jacent à l'annonce d'A&W se trouve une conscientisation collective de l'origine des aliments. De plus en plus, les méthodes conventionnelles de production bovine créent un certain malaise; la consommation de boeuf au Canada est en déclin depuis plus de 25 ans. Ce n'est donc pas surprenant de voir une chaîne, dont la stratégie mise beaucoup sur la vente de boeuf, prendre une telle décision.

Il y a aussi le traitement éthique animal qui prend de plus en plus de place dans la conscience des consommateurs, et préoccupe de même les chaînes de restauration. Tim Hortons ainsi que d'autres chaînes alimentaires financent des projets de recherche pour mieux comprendre la structure d'une chaîne d'approvisionnement afin de mieux répondre à une demande qui exige du restaurateur d'être plus transparent et responsable.

Pour ce faire, les maîtres de la restauration rapide doivent se doter d'un système de traçabilité alimentaire plus étendue. Ces derniers doivent trouver un moyen de se lier opérationnellement à une production agricole éloignée des centres urbains. De plus, la production sans hormones et stéroïdes est forcément moins rentable. Par conséquent, les chaînes de restauration rapide verront leurs coûts d'approvisionnement augmenter.

En revanche, le consommateur devra payer davantage pour son hamburger favori. Servir du boeuf sans hormones et stéroïdes coûte plus cher et A&W reconnaît que le consommateur, un jour, sera prêt à en payer le prix.

D'ores et déjà, on observe l'émergence du foodie populiste. Un nombre grandissant de consommateurs, soucieux de leur alimentation, recherchent une expérience culinaire qui outrepasse le simple mécanisme d'ingestion de calories, peu importe où ils se retrouvent.

L'annonce d'A&W aura peut-être un effet sur l'architecture de l'industrie bovine canadienne qui tente de mieux répondre à une plus grande fragmentation du marché. Chose certaine, pour ceux qui prétendent que l'annonce d'A&W s'inscrit dans le cadre d'une stratégie purement marketing, détrompez-vous.