La nomination à la Cour suprême du juge Marc Nadon a soulevé d'importantes questions sur le processus en place pour déterminer qui siégera au plus haut tribunal du Canada. Comme l'a exprimé le columnist Yves Boisvert, «rarement une nomination à la Cour suprême a autant étonné».

Si on m'avait demandé quelles étaient mes priorités au moment où je suis devenu ministre de la Justice en 2003, je n'y aurais pas inclus le processus de nomination des juges. Pourtant, j'ai appris depuis qu'il s'agit d'une partie essentielle de l'administration de la justice au Canada, particulièrement en regard de la Cour suprême. Cette cour est le plus haut tribunal d'appel et l'arbitre final pour la résolution des litiges au pays. Elle est à la fois un pilier fondamental de notre démocratie constitutionnelle et le gardien de la Constitution.

La Loi sur la Cour suprême énonce les qualifications minimales pour être juge, mais elle reste silencieuse quant aux processus d'identification et de sélection. Cela est la responsabilité exclusive du notre exécutif - notamment le premier ministre et le ministre de la Justice, qui peuvent déterminer non seulement la procédure et le moment chaque nomination, mais aussi les critères de sélection applicables. Peut-être le moment est-il venu d'établir formellement cette procédure.

Par exemple, le premier ministre a fait annoncer la nomination du juge Nadon juste avant midi lundi dernier. Un comité parlementaire a été convoqué pour mercredi 13h afin de rencontrer le juge. La Cour commence sa session d'automne lundi prochain. Ce court délai ne donne pas aux membres du comité le temps nécessaire pour faire des recherches approfondies sur le candidat et préparer des questions pertinentes.

De plus, il ne donne pas aux autres juges siégeant à la Cour suprême l'occasion de faire connaissance avec ce nouveau juge avant le début de la session automnale. Le juge Morris Fish, que M. Nadon remplace, avait annoncé le 22 avril dernier qu'il quitterait son poste à la fin d'août. Le gouvernement avait donc le temps d'agir autrement.

Le juge Nadon est expert en droit maritime, mais il n'est pas évident que ce bagage lui sera tellement utile étant donné qu'il remplacera un expert en droit criminel. Or, la Cour suprême doit très souvent entendre des affaires criminelles, et rarement des affaires en matière de droit maritime. Cette question serait résolue si le gouvernement indiquait sur quels critères il évalue les juges dont les noms lui sont proposés.

Le mérite était un facteur déterminant parmi mes critères de nomination en tant que ministre de la Justice. Les autres: les aptitudes professionnelles, les caractéristiques personnelles et la diversité. Les capacités professionnelles supposent le plus haut niveau de compétence en regard de la loi et du droit; l'aptitude du candidat à écouter et à garder un esprit ouvert lorsqu'il entend les arguments des parties; une capacité de partage d'une lourde charge de travail dans un contexte de collaboration. Quant aux caractéristiques personnelles, j'inclus une éthique personnelle et professionnelle impeccable, l'honnêteté, l'intégrité et la franchise.

Le critère de la diversité relève de la mesure dont la composition du tribunal reflète adéquatement la diversité de la société canadienne. Or, avec la nomination du juge Nadon, seulement trois des neuf juges de la Cour suprême seront des femmes.

Nous ne devrions pas chercher à imiter le modèle de nos voisins américains, et son système marqué par la politisation du judiciaire et des audiences de confirmations à allure de cirque. Mais nous devons permettre un examen approfondi de la personne nommée, avec des délais raisonnables et un processus de participation publique.

Il est nécessaire que le gouvernent soit plus rigoureux, plus inclusif, plus transparent, et qu'il prenne une meilleure mesure des délais nécessaires dans le dossier de nominations des juges. J'espère que le processus de nomination sera modifié à temps pour la prochaine nomination, prévue pour l'an prochain.