Si notre climat capricieux nous fait basculer d'une extrémité du mercure à une autre, certains phénomènes sociaux actuels nous font sursauter tant ils sont aux antipodes l'un de l'autre dans leur forme alors que sur le fond, ils touchent pourtant le coeur d'une seule et même valeur: l'égalité des femmes.

La semaine dernière, La Presse rapportait les résultats d'une recherche menée par deux éthiciennes révélant qu'au moins quatre établissements de santé de la grande région métropolitaine ont reçu, au cours de la dernière année, des demandes de «certificats de virginité» formulées par les familles de jeunes filles. Bien que le Collège des médecins affirme que ces situations sont exceptionnelles, j'ai le regret de vous informer que ce phénomène n'est pas nouveau.

Au milieu des années 2000, alors que je représentais les intérêts de médecins, des clients m'ont confié avoir été confrontés à ces demandes, parfois insistantes et agressives. L'un d'eux a admis avoir cédé sous la pression, par crainte de voir la patiente subir des représailles et des mauvais traitements. Le fait qu'on relate encore l'existence du phénomène 10 ans plus tard est troublant.

Sans vouloir y mêler le projet de charte des valeurs québécoises, je suis tentée de suggérer que nous n'avons peut-être pas été assez fermes ni clairs sur la fin de non-recevoir que méritent ces requêtes. Il est inacceptable, et révoltant, qu'un bout de papier puisse être aussi lourd de conséquences pour des jeunes filles et que la virginité, par ailleurs impossible à prouver anatomiquement, dicte le sort, l'avenir et la valeur d'une femme.

Plus récemment, une pétition a été lancée afin de dénoncer l'implantation au Québec de concours de mini-miss semblables à ceux que l'on retrouve aux États-Unis. D'un claquement d'un doigt, on est catapulté de l'extrême obsession de l'hymen à l'extrême hypersexualisation des fillettes, petites poupées aux paupières alourdies par des faux cils, à la bouche gonflée par d'épaisses couches de rouge à lèvres et aux pieds coincés dans des souliers trop hauts. Quand je les aperçois, je ne peux m'empêcher de penser que certains hommes à l'esprit déviant doivent regarder ce spectacle désolant avec des yeux avides et friands.

Mon coeur de mère aurait envie de délivrer ces pauvres enfants de leur torture pour les emmener jouer au parc et courir derrière un ballon. Je dis bravo à l'initiative de Léa Clermont-Dion et salue son appel à la cohérence. Nous sommes en effet les premières à nous insurger, une fois adultes, contre les diktats de la beauté et à refuser d'être les esclaves de notre image corporelle. Pourtant, nous sommes prêtes à soumettre nos filles à ce futile et inutile exercice de superficialité qui ne réussira qu'à les convaincre que leur identité est tributaire de leur pouvoir de séduction.

À travers cette valse des extrêmes, les certificats de virginité et les concours de mini-miss nous ramènent brutalement, l'un autant que l'autre, à la fragilité de nos acquis. Les premiers nous rappellent qu'il y en aura toujours pour mettre nos valeurs fondamentales au défi et les deuxièmes nous confrontent à l'inconséquence de certains de nos comportements.

Chose certaine, l'égalité, celle qu'on banalise et croit à tort acquise, est ébranlée. L'égalité, celle dont on a longtemps rêvé et pour laquelle des pionnières se sont battues, doit s'élever au-dessus d'une membrane de tissu humain et d'un défilé de fillettes en maillots de bain.