Le Caire, été 2011. La révolution arabe venait d'enregistrer ses premières victoires. Moubarak était tombé. Mais l'avenir n'allait pas être brillant. La présence des Frères musulmans commençait déjà à se faire sentir.

On sait ce qu'il est advenu depuis. Les Frères musulmans ont récupéré le mouvement démocratique peu de temps après... et pris le pouvoir.

Une surprise? Pas vraiment.

Que pouvait faire un mouvement démocratique, peu ou mal organisé, face à l'appareil bien huilé des mouvements religieux?

La question s'est posée alors comme elle se pose aujourd'hui pour la Syrie.

Qu'avons-nous fait, nous les pays occidentaux, pour venir en aide à ces mouvements démocratiques écrasés par les dictatures alors que les coffres des Frères musulmans se remplissaient de deniers venus des pays du Golfe pour bâtir des écoles, ouvrir des cliniques, engager des médecins? Bref, assurer des services sociaux que le gouvernement Moubarak négligeait.

Qu'avons-nous fait pour venir en aide aux rebelles syriens avant qu'il ne soit trop tard, avant que le mouvement ne soit récupéré par des intégristes et autres fous de Dieu? Nous avons laissé la situation se détériorer au point de non-retour.

Aujourd'hui, on brandit la menace d'une intervention militaire ciblée.

Soyons honnêtes, c'est pour se donner bonne conscience que certains pays occidentaux - les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, jusqu'à ce que le Parlement rejette la proposition du premier ministre Cameron - parlent de donner une leçon à Assad.

Les interventions militaires en Irak, en Libye et en Afghanistan n'ont-elles pas démontré leurs limites avec les désastreux résultats que l'on connaît: les pertes en vies humaines et l'instabilité civile?

Les Syriens ne sont pas dupes. Ils savent maintenant qu'ils sont pris en étau au milieu de forces qui les dépassent - une guerre civile dont ils ne savent plus à quelle dictature, des fanatiques religieux ou d'Assad, ils seront mangés une fois les armes déposées.

Ne soyons pas dupes, nous, non plus. Où était cette fameuse «ligne rouge» - une attaque à l'arme chimique - à ne pas dépasser pour qu'on n'intervienne pas militairement lorsque Saddam Hussein gazait à mort les 5000 Kurdes du village de Halabja en 1988? Personne n'a agi.

C'est triste et douloureux à dire. Mais il est trop tard pour intervenir militairement en Syrie. La partie est jouée, et tenter de la défaire militairement ne fera qu'accentuer les souffrances.

Que faire alors?

C'est le représentant du secrétaire général des Nations unies, Lakhbar Brahimi, qui a raison: la solution au problème syrien n'est pas militaire, mais politique. Et j'ajouterai, humanitaire.

Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies vient de lancer un appel pour demander davantage d'accès à l'intérieur de la Syrie, alors que le nombre de réfugiés ayant fui la violence vient d'atteindre le chiffre de deux millions. En raison de l'insécurité, l'organisation n'a pu répondre aux besoins que de 2,4 millions d'habitants en Syrie sur les 3 millions qui ont besoin de son aide. L'organisation reconnaît que l'accès aux civils est de plus en plus difficile en raison de l'insécurité et de la prolifération de points de contrôle. Avec maintenant deux millions de réfugiés, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés affirme que la Syrie est devenue la grande tragédie de ce siècle, une calamité humanitaire.

Il faut donner aux humanitaires les moyens et les ressources nécessaires pour venir en aide aux civils syriens. Il faut leur permettre de rester sur place pour faire leur travail. Des frappes militaires les en chasseraient vraisemblablement et ce seraient d'innocentes victimes qui perdraient leur seul soutien.

C'est ce qu'il faut faire dans l'urgence, tout en planifiant l'avenir.

C'est le gouvernement canadien qui a raison en laissant entendre que son appui sera humanitaire, et non militaire, dans la situation d'urgence où la Syrie se trouve aujourd'hui.

Espérons qu'il tiendra parole, mais que, surtout, il utilisera son influence pour pousser ses partenaires sur la scène internationale à mettre sur pied une stratégie d'aide humanitaire d'avenir où les ressources iront à ceux qui permettront à la région d'aller de l'avant, sans utiliser des armes.