Laurent Rouleau était un homme charmant, qui aimait passionnément la vie, et que sa famille adorait. Le 8 juin 2010, il a manoeuvré son fauteuil roulant pour se rendre derrière la maison qu'il habitait en campagne, et s'est tiré deux balles de .22 dans le ventre.

Laurent souffrait depuis 17 ans de la sclérose en plaques, qui l'avait privé, très lentement, de presque tout ce qu'il aimait: dessiner, peindre, voyager, marcher dans le bois. Il parlait de sa douleur, sans s'en plaindre, mais comme d'un fait de sa vie: «C'est comme si on me plantait un poignard dans le dos; pas une fois, pas deux fois, mais minute après minute, après minute.»

Quand les spasmes étaient trop douloureux, oui, il prenait des médicaments, mais il détestait ça parce que ces médicaments le privaient de la pleine possession de ses moyens, de sa «présence» au monde.

Laurent n'est pas mort sur le coup. Il a été transporté à l'urgence où l'équipe médicale a voulu le «sauver». Il a réaffirmé sa volonté de mourir. Son médecin de famille, qui le suivait depuis des années et connaissait son désir de mourir à son heure, est intervenu. Puis une évaluation psychiatrique, puis une consultation légale. Et quand on lui a annoncé qu'on respecterait son choix, tous ceux d'entre nous qui l'entouraient ont vu qu'à ce moment-là, il a été délivré, vraiment délivré du mal.

Il avait parlé très souvent de mettre fin à ses jours quand il ne pourrait plus supporter de vivre. Comme il aurait voulu qu'on l'aide.

Il a pensé se rendre en Suisse, où c'est légal, mais ne voulait pas imposer à sa femme un retour morbide avec son cadavre sur les bras. Il y aurait eu d'autres moyens, nous en avions discuté. Mais il n'a pas voulu exposer ceux qu'il aimait au péril de la loi. Il l'a fait tout seul, alors qu'il le pouvait encore, avant d'être totalement prisonnier de son corps malade.

Mais quand nous songeons à tout ce qu'il a dû endurer de tourments, de solitude et de peur. À tout le courage qu'il lui a fallu pour peser sur cette gâchette! Nous souhaitons une loi pour éviter de semblables souffrances.

Le projet de loi 52 est actuellement débattu en commission parlementaire à Québec. Nous n'avons aucun parti pris politique et nous laissons les détails au soin des législateurs. Cependant, nous sommes persuadés qu'avec une telle loi, Laurent aurait pu prolonger sa vie. Il aurait eu la certitude qu'on l'aiderait, le moment venu, que sa volonté aurait été respectée, même s'il ne pouvait plus bouger.

Finalement, à ceux qui ont des objections religieuses et qui croient que Dieu seul peut donner et reprendre la vie. Quand sa mère est arrivée à l'hôpital, Laurent lui a dit en manière de dérision: «J'ai encore fait une niaiserie.» Et cette femme de plus de 85 ans, croyante et proche de son Dieu, lui a répondu: «Dieu n'est pas méchant, Dieu est bon, il va comprendre, il ne veut pas que les gens souffrent inutilement.» Nul ne pouvait douter de son amour pour son fils.

Laurent est mort quelques heures plus tard. Dans sa lettre d'adieu, il avait écrit: «Je vous aime, je suis content de mourir.»