Mme Archambault, j'ai eu l'immense privilège de voir votre tout nouveau film Gabrielle. J'ai pris votre oeuvre en plein visage, comme une vague que l'on ne voit pas venir, mais qui vous soulève et vous dépose plus loin, sur le rivage.

Je suis la mère de trois enfants dont l'aînée, Marie, âgée de 18 ans, est porteuse d'une trisomie 21.

Marie a changé bien des choses dans ma vie. Elle est venue écheveler mes rêves de perfection, de performance et de réussite! Mais au fil des ans, elle a fait de sa mère, une femme battante, résolument convaincue de l'importance de l'humain, quelle que soit sa condition, sa race ou sa religion.

J'ai découvert dans ce monde de la différence des gens d'une grande humanité, des gens bons et qui ne souhaitent qu'avoir leur place dans une société qui carbure trop souvent à l'argent, au pouvoir et à la fameuse réussite.

Ce que je retrouve auprès de ma fille, je l'ai senti dans votre film. Je vous remercie d'avoir mis des images sur mes peurs, des mots sur mes doutes, des musiques sur mes espoirs. Merci d'avoir donné une voix à des gens qu'on ne voit pas, mais qui prennent tant de place dans ma vie et dans mon coeur. Sans complaisance, vous avez su les mettre dans la lumière afin que mes congénères puissent les voir et les découvrir comme ils sont : talentueux, drôles, vrais, sensibles, uniques...

Je suis d'autant plus reconnaissante que ce film est une formidable sensibilisation à la réalité des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle. Cette mission, je l'ai faite mienne par mon travail quotidien à l'Association du Québec pour l'intégration sociale, qui coordonne notamment la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle dont le porte-parole est le très talentueux Vincent-Guillaume Otis (le chef de choeur Rémi dans votre film).

Les mots sont bien peu de choses pour exprimer le parcours d'une vie avec un enfant différent. Votre film est en quelque sorte une porte qui s'ouvre vers le monde des adultes ayant un handicap et illustre puissamment leur « conquête » d'autonomie. D'un passage obligé qui donne le vertige à plusieurs parents, il porte un regard qui nous forcera à sortir de notre zone de confort et de surprotection, pour permettre à nos fils et nos filles de prendre leur envol.

Votre film aura eu l'effet de me permettre de voir l'âge adulte de Marie non plus comme un précipice aux abords angoissants, mais plutôt comme une formidable rampe de lancement vers un monde qui s'ouvre et qu'il lui tarde d'explorer.

Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont les révélateurs des personnes qui les côtoient. Ils auront permis de révéler à la face du monde qu'en plus d'être une magnifique cinéaste, vous êtes une prodigieuse humaine.