Moi qui estimais être à humaniste, avec mes qualités et mes défauts, je me rends compte à la lumière du débat qui fait rage au Québec depuis quelques semaines que je suis en fait un islamophobe caractérisé qui s'ignore.

Cette taupe islamophobe en mon sein était tant et tellement bien cachée que mon côté humaniste ne la suspectait même pas. Pire, j'exécrais, du moins consciemment, ces comportements xénophobes motivés principalement par l'ignorance crasse et la peur toute bête de ce qui est différent.

C'est vous dire un peu l'horreur qui s'est emparée de moi en me rendant à l'évidence véhiculée ces derniers jours et en acceptant à contrecoeur cette étiquette. Il est de ces accusations qui sont réputées vraies aussitôt lancées, elles vous collent à la peau et les nier ne vient hélas que confirmer cette vérité inavouable.

Alors toutes mes excuses Karim, Salman, Fatima, Djemila, Hamza, Irshad, Ayaan, Tarek, et tous les autres, amis ou mentors. Sous couvert de gauchiste progressiste, je n'étais en fait qu'un colonisateur québécois blanc servant un étroit agenda islamophobe.

Je n'ai rien à dire pour ma défense si ce n'est que cette «islamophobie» n'a rien de personnel envers le Québec d'aujourd'hui. Cette tare s'est installée bien avant que je ne côtoie d'autres cultures, soit dans les années 60 où, je l'avoue, j'ai applaudi à la décléricalisation d'un Québec qui sortait de sa grande noirceur religieuse.

Tout aussi aveuglément et fort de cette vaccination, j'ai appuyé par la suite la séparation de l'État et de la religion, catholique surtout, mais plus récemment aux couleurs évangélistes strictes ou d'un islam politique et intransigeant.

Je plaide aussi coupable d'appuyer actuellement l'interdiction de signes religieux chez les travailleurs de l'État durant leurs heures de travail. Une interdiction certes moins sévère que celle d'Atatürk contre le voile dans la Turquie des années 20, ou celle du président tunisien Bourguiba dans les années 50. Mais interdiction quand même, question dans le cas du Québec de bien démarquer la neutralité de l'état en matière de croyances.

Cet État et ceux qui l'incarnent ne peuvent donc pas scander «Jésus est le fils de Dieu!» ou «Dieu est un placebo!» ou encore «il n'y a de Dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète!» aux enfants à la garderie et à l'école, que ce soit par la parole, l'écrit, le mime ou l'habillement. C'est du strict ressort des parents d'inculquer ou non de telles valeurs.

Si ces positions en faveur de la laïcité d'un Québec pluraliste font de moi aujourd'hui un islamophobe aux yeux de mes frères d'armes de la gauche, de l'intelligentsia québécoise bien-pensante et ô combien relativiste, et des croyants de la mouvance fondamentaliste, je devrai à regret m'y faire.

Je ne peux qu'espérer que les autres, croyants ou non, auront la vue plus perçante et le jugement mieux affûté.