Encore une fois, on nous dit que le gouvernement doit nous sauver de nous-mêmes. Cette fois, il s'agit d'une «taxe sur la malbouffe», les aliments que certains nutritionnistes et chercheurs ne veulent pas nous voir manger ou boire.

Malheureusement, une absence de réflexion sérieuse sous-tend encore le dénigrement des boissons sucrées ou des collations malsaines, et une taxe sur la «malbouffe» ou les «boissons sucrées» est toujours aussi injuste.

Peu importe les bonnes intentions sous-jacentes, la taxation de certains aliments pour améliorer l'état de santé de la population est une mauvaise politique, pour plusieurs raisons. La principale est que de telles taxes touchent tout le monde, quels que soient le tour de taille et le mode de vie de chacun.

Prenons le cas d'une Canadienne en excellente forme qui fait du jogging trois fois par semaine, pratique certains sports à l'occasion et mange de façon équilibrée. Si elle aime se détendre en buvant une boisson gazeuse et en regardant un film pendant la fin de semaine, ou encore déguster une barre de chocolat au dîner, pourquoi devrait-elle payer davantage pour ce faire?

Par ailleurs, en 2012, 52,5% des Canadiens âgés de 18 ans ou plus et 21,8% des jeunes Canadiens (âgés de 12 à 17 ans) souffrent d'embonpoint ou d'obésité. Autrement dit, si on inverse ces statistiques, on constate qu'une bonne partie de la population adulte et la majorité des jeunes ne souffrent ni d'embonpoint ni d'obésité selon les normes d'indice de masse corporelle, la mesure courante du surpoids et de l'obésité.

Non seulement les taxes sur la «malbouffe» ou les boissons sucrées ne font pas de distinction entre les Canadiens souffrant d'embonpoint ou d'obésité et ceux qui n'en souffrent pas, mais elles sont aussi une forme de taxation régressive. Des études ont constaté que les régimes alimentaires malsains coûtent moins cher que les régimes sains. De plus, les familles défavorisées ont en général plus recours à l'alimentation rapide que les familles des classes socio-économiques supérieures. Cela semble indiquer qu'une taxe sur les aliments malsains ou gras aura un effet disproportionné sur les Canadiens à faible revenu.

En outre, les taxes sur la «malbouffe» ne garantissent pas la réduction de l'apport calorique total, comme l'espèrent certains. La consommation de restauration rapide (cible courante d'une «taxe sur la malbouffe») est relativement insensible aux variations de prix, les consommateurs pouvant remplacer les aliments taxés par des aliments non taxés tout aussi caloriques.

Il se pose aussi le problème de définir les aliments à taxer et les difficultés que cela entraîne (ainsi, faudrait-il ou non taxer les jus de fruit?). Cela nécessitera sans doute une expansion de la fonction publique: il faudrait créer une nouvelle agence qui déterminerait, parmi l'ensemble des aliments et des boissons, lesquels il faudrait taxer. La proposition que ces taxes soient contrebalancées par la subvention ou la moindre taxation d'aliments sains ou d'autres éléments ne fait que compliquer ce problème.

Le fait de ne cibler qu'un seul groupe alimentaire, comme les boissons sucrées, ne résout pas nécessairement ce problème ou ceux évoqués précédemment.

Ceux qui veulent dénigrer les boissons gazeuses doivent composer avec une réalité problématique: selon Statistique Canada, la consommation de boissons gazeuses a baissé de 35% au pays entre 1999 et 2012. Pourtant, l'obésité a augmenté au cours de cette période.

Essentiellement, la quantité de nourriture (de toutes sortes) consommée, notre degré d'activité physique et notre mode de vie en général (plus certains facteurs génétiques) déterminent notre tour de taille. De plus, le rapport entre le poids et la mauvaise santé n'est pas si clair puisque de nombreuses études montrent qu'un certain surpoids pourrait être protecteur.

Les solutions à l'obésité qui sont trop simplistes et qui dénigrent une industrie ou certains aliments ne servent pas l'intérêt public. La réalité est que les taxes sur la «malbouffe» ou les boissons sucrées sont des instruments inefficaces et grossiers qui ne tiennent pas compte des causes complexes et multiples de l'obésité. Il est donc temps de reléguer l'idée de telles taxes à leur juste place: aux oubliettes.