Lac-Mégantic est morte, vive Lac-Mégantic! Du coeur des débris fumants de ce bijou urbain québécois se dégagent, puissants, les relents de notre inconscience collective. Les dépouilles n'avaient pas refroidi que les meutes médiatiques, dans une bousculade indécente, s'alimentaient déjà au charnier. Des Québécois de tous horizons se joignaient au festin, friands de ces grands happenings émotionnels pour lesquels les médias nous ont si bien formés.

Beaucoup de chandelles, peu de lumière: chacun cherchant à utiliser l'événement pour en tirer... profit. Le profit: voilà le véritable drame, dont Lac-Mégantic ne constitue qu'un acte parmi tant d'autres dans le monde. Nous sommes tous coupables de cette tragédie, ceux qui portent la chandelle haute comme ceux qui affichent la mine basse, Burkhardt comme les citoyens de Lac-Mégantic. Tous, nous participons des mêmes rites de cette religion moderne, l'argent. Les premières phrases publiques de la mairesse de Lac-Mégantic n'ont-elles pas été adressées aux principaux acteurs économiques de cette région, afin de les rassurer?

Hélas, la bêtise de notre espèce nous empêchera de ressortir plus sages de cette épreuve. 

Nous ne protègerons pas plus que Burkhardt la place de l'être humain dans notre univers. Nous continuerons d'admirer ce voisin bien nanti ou ce prospère entrepreneur qui a si bien réussi, même en réduisant ses coûts d'exploitation au mépris de la sécurité publique; nous ne cesserons de vénérer les puissants de ce monde qui défileront en complet-cravate dans les émissions de variétés ou devant la commission Charbonneau; nous les applaudirons lorsqu'ils clameront que l'État prend trop de place, règlemente trop, qu'il y a trop de fonctionnaires; nous maintiendrons leurs politiciens véreux au pouvoir, même si le modèle de société qu'ils nous proposent a mené directement à la tragédie de Lac-Mégantic. 

Et, dans les centres-villes de l'Estrie et d'ailleurs, nous contemplerons encore, en bavant d'envie, l'étalage des rutilantes bagnoles et des riches qui s'y pavanent: le profit. Pour ma part, les larmes que Lac-Mégantic a pu faire rouler sur mon âme, c'est d'abord de notre inconscience collective qu'elle les a tirées...