Le 18 juin dernier, l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) diffusait les résultats de la troisième édition de l'enquête «La violence familiale dans la vie des enfants», réalisée en 2012 auprès de plus de 5000 parents québécois. En dépit de son envergure et de sa grande qualité méthodologique, cette enquête a eu peu de retentissement dans les médias, si ce n'est pour souligner une bonne nouvelle: la punition corporelle est en baisse au Québec. 

En effet, 35% des jeunes Québécois ont été secoués ou pincés, ou ont reçu des tapes sur les mains, les bras, les jambes ou les fesses, au moins une fois au cours de la dernière année, alors que cette proportion était de 43% en 2004 et de 48% en 1999. De plus, l'enquête révèle qu'un nombre croissant de parents désapprouvent la punition corporelle et font usage de méthodes disciplinaires non violentes, comme expliquer les choses à l'enfant ou lui retirer des privilèges.

Ces résultats sont porteurs d'espoir car ils reflètent un changement de normes sociales en regard de la punition corporelle au Québec. Cependant, la partie n'est pas gagnée. L'enquête de l'ISQ révèle aussi que la grande majorité des parents Québécois se sentent démunis et considèrent que les parents sont généralement trop mous avec leurs enfants. 

La moitié de nos enfants subissent les cris, les injures, les menaces ou les humiliations répétées des adultes de leur foyer. Un jeune Québécois sur neuf reçoit des punitions corporelles répétées, c'est-à-dire au minimum trois fois par année, ou davantage. Et contrairement à la punition corporelle, la violence physique sévère n'a pas diminué depuis 1999: bon an, mal an, elle touche 6% des enfants du Québec, soit environ un enfant sur 16. 

Ce taux est très élevé: on parle ici d'agressions susceptibles de causer des blessures aux enfants, suffisamment graves pour être signalées à la direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Ces signalements ont d'ailleurs connu une forte hausse au cours des dernières années, culminant en 2010-2011 avec une augmentation de 8,2% comparé à l'année précédente.

Cette réalité est tellement dure que bien souvent, la première réaction est de vouloir s'en distancier. Par exemple, nous préférons penser que ces gestes violents ou négligents sont commis par des êtres horribles, monstrueux, malades ou criminels, qui n'ont rien à voir avec nous. Cette perception est entretenue par les médias, qui tendent à publiciser les cas les plus extrêmes et révoltants. Or, la plupart des situations de violence ou de négligence envers les enfants n'ont rien de spectaculaires.

Elles s'installent insidieusement dans le quotidien des familles, érodant petit à petit l'estime de soi des enfants, les rendant malheureux, remplis de colère et pessimistes, réduisant ainsi leurs chances de succès. Ces gestes sont posés par des hommes et des femmes comme tout le monde, qui tentent d'exercer leur rôle parental dans des conditions loin d'être optimales, générant stress, détresse, consommation d'alcool ou de drogues, vie sociale insatisfaisante et peu soutenante.

La recherche dans ce domaine est concluante: la meilleure manière de prévenir la violence et la négligence dans la vie familiale des enfants, c'est de soutenir les parents. C'est de veiller à ce que chaque parent trouve dans son environnement une réponse à ses besoins, petits ou grands. Le défi que les parents en difficulté nous posent, c'est le défi de vivre ensemble, dans des communautés attentives et bienveillantes. C'est d'abord cela, protéger nos enfants.