Madame la Première Ministre, Je m'appelle Frédéric Sauriol. Je suis le cousin de Rosaire et Jean-Pierre Sauriol. Je ne suis pas un haut dirigeant de DESSAU, ni un actionnaire important (après 24 ans de carrière, je n'ai réussi à acquérir qu'à peine 1% du capital-actions de DESSAU, ce qui constitue la presque totalité de mon fonds de retraite).

En fait, je suis dans la même situation que la grande majorité des 430 employés-actionnaires de DESSAU qui n'ont jamais eu mot à dire dans les choix de la direction de l'entreprise qui était entièrement dirigée par mes deux cousins détenant à eux seuls 50% de la compagnie. Loin de moi l'idée de les juger, ils sont quelque part victimes des trop grandes responsabilités que leur père, le fondateur de DESSAU, leur a léguées et qui comportaient, comme l'a révélé la commission Charbonneau, certaines pratiques inacceptables d'une époque désormais révolue.

Mon travail chez DESSAU consiste à élaborer des propositions pour des projets, tous plus emballants les uns que les autres, et à mettre toute mon énergie pour les mener à terme avec succès.

Une question de jours

D'importantes mises à pied ont actuellement cours chez DESSAU à la suite de la décision de l'Autorité des marchés financiers (AMF) de refuser notre demande d'autorisation de conclure des contrats publics. On parle déjà de plus d'une centaine de licenciements cette semaine. DESSAU est une entreprise privée qui possède son propre fond de roulement et qui a des comptes à rendre à ses créanciers. Dans les prochains jours, la compagnie ne pourra donc continuer à payer les salaires de ses 5000 employés s'il lui est interdit d'obtenir de nouveaux contrats.

Les déclarations du ministre Stéphane Bédard à l'effet qu'il nous est toujours possible de continuer nos mandats en cours minimisent l'urgence pour l'AMF de réévaluer notre dossier. La survie de milliers d'emplois est en jeu, et ce n'est pas une question de mois ni de semaines, c'est une question de jours!

Des employés et leur famille se voient ainsi injustement punis pour les agissements répréhensibles de quelques-uns. Par ailleurs, comment DESSAU sera-t-elle en mesure de procéder, avec les autorités compétentes, au calcul des sommes à rembourser au Trésor public et à l'établissement des modalités de paiement si la compagnie s'écroule ou est vendue au rabais en pièces détachées dans les prochains jours? Quels revenus tirera le Gouvernement de tous ces nouveaux prestataires d'assurance-emploi et éventuellement d'assistance sociale pour les moins polyvalents d'entre nous?

J'adhère à 100% aux principes de la loi 1, c'est une bonne loi aux nobles intentions, mais manifestement elle comporte des effets qui n'ont sans doute pas bien été évalués lors de son adoption en décembre dernier. Dans sa lettre de refus, l'AMF reconnaît que DESSAU a posé beaucoup de gestes jusqu'à maintenant pour rétablir son intégrité, mais laconiquement elle indique que ceux-ci seraient trop «récents». Que l'AMF nous dise clairement ce qui ne va pas, qu'elle nomme qui doit quitter l'entreprise si c'est encore là le problème! Ainsi, les 430 employés-actionnaires pourront exiger, dès lors, leur départ. Sinon, la décision actuelle de nous suspendre entièrement des contrats publics n'aura comme effet que d'administrer un remède qui emportera le malade.

En terminant, je tiens à préciser que cette lettre constitue une démarche personnelle qui n'engage que moi. Je n'ai informé personne de la direction de DESSAU de mon intention de vous écrire publiquement. C'est un cri du coeur. Moi, tout comme mes collègues de travail, n'avons plus rien à perdre si rien n'est fait rapidement!