Adèle Sorella a été trouvée coupable du meurtre prémédité de ses deux filles, Amanda et Sabrina. Le jury a fait son travail: rendre un verdict. Cette fois-ci, le verdict ne soulèvera pas l'indignation du public comme dans le cas de Guy Turcotte. Avoir la confirmation juridique qu'un parent a tué ses enfants nous pousse à dire «Justice fut rendue». Mais c'est un très triste jour de voir s'allonger la liste des enfants tués au Québec par leurs propres parents.

Guy Turcotte, Cathie Gauthier, Sonia Blanchette, et maintenant Adèle Sorella, pour ne nommer que les plus médiatisés. Entre eux, dix enfants tués. Un autre cas qui s'ajoute à la liste des parents qui ont décidé d'enlever la vie aux enfants qu'ils ont mis au monde. Sans compter les parents qui se sont enlevé la vie par la suite et qui ne méritent pas qu'on se souvienne de leur nom...

Comment est-ce que cela est possible, on se le demande? C'est incompréhensible, inacceptable, c'est contre la nature humaine. Malheureusement, dans ma pratique en droit de la famille, je peux comprendre comment un parent peut faire un tel geste. Je vois trop souvent des parents tuer leurs enfants à petit feu. Des parents séparés qui sont trop centrés sur leur propre besoin, qui sont pris dans une lutte de pouvoir, refusant de guérir leurs blessures, qui utilisent les enfants comme monnaie d'échange. Des parents qui, dans le seul but d'éviter de payer une pension alimentaire, exigent une garde partagée, sachant fort bien que l'enfant ne s'adaptera pas à un tel régime. Des parents qui empoisonnent psychologiquement leurs propres enfants, les amenant à haïr et détester l'autre, dans le seul but de les embarquer dans leur propre tourmente, et de les garder prisonniers de leur haine. Des parents qui insultent et dégradent l'autre. Des parents qui utilisent l'enfant comme messager, qui le font sentir coupable, pris au piège, au milieu d'une guerre qui ne se termine pas. Des parents qui font en sorte que chaque occasion - Noël, anniversaire, fin de l'année, voyages d'école, remise des diplômes, etc. - soit empreinte de stress, d'angoisse et de crainte pour l'enfant. Des parents qui utilisent l'argent comme moyen de chantage en promettant d'acheter des biens si l'enfant renie l'autre parent.

Voilà des parents égoïstes, centrés sur leur propre peine ou frustration, voulant se venger, ou donner une «leçon» à l'autre, incapables d'agir en adulte, sans égard pour leur enfant, sans penser une seconde au dommage qui lui est causé, du tort irréparable qui peut être fait, aux cicatrices psychologiques que l'enfant portera à tout jamais. À l'extrémité de cet égoïsme se trouve le meurtre de son propre enfant. Devons-nous donc être surpris de voir des enfants tués par vengeance? Non.

Si la rupture familiale est aujourd'hui chose normale, les parents ont d'autant plus la responsabilité d'apprendre comment gérer cette rupture et de faire en sorte que les enfants en soient aussi peu affectés que possible. Nous avons tous - famille, amis, voisins, professionnels - une responsabilité envers eux, de les protéger, de leur permettre de grandir dans un environnement sain, normal, et d'être justement un enfant. Même lorsque leurs parents ne partagent plus le même toit.

Peu importe le nombre de comités érigés par notre gouvernement, si en tant que parent, on ne s'occupe pas de gérer notre peine à la suite de la rupture, les enfants au Québec vont continuer d'être tués. De plus d'une façon. Car pas besoin de commettre un meurtre pour tuer notre enfant...