Si l'on souhaite véritablement mettre fin, de manière durable, aux conflits de travail dans l'industrie de la construction et éradiquer la corruption ou la collusion sur nos chantiers, il ne suffit pas de trouver un simple terrain d'entente entre la partie patronale et l'alliance syndicale. Le gouvernement du Québec doit avoir le courage de redonner au plus vite la liberté d'association aux travailleurs.

Cette industrie est plus réglementée au Québec que partout ailleurs sur le continent.

Nos lois obligent depuis plus de 40 ans tous les employeurs à n'embaucher que des syndiqués d'un des cinq syndicats reconnus par l'État. Les conventions collectives sont négociées de manière centralisée et s'appliquent à tous.

Ce «modèle» mène à des situations aberrantes qui n'existent pas là où chacun est libre de négocier ses propres conditions de travail.

En vertu de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre (communément appelée R-20), il existe 26 métiers réglementés dans la construction au Québec et le territoire est divisé en 15 régions. Il devient alors complexe, souvent impossible, pour un simple travailleur d'exercer plus d'un des 26 métiers ou de travailler dans plus d'une seule région.

À titre de comparaison, en Ontario, on ne compte que six métiers à certification obligatoire, le travailleur est libre de se syndiquer ou non et celui-ci peut travailler n'importe où dans sa province.

Ce cloisonnement des métiers et cette rigidité législative uniques coûtent excessivement cher au Québec. L'économiste Pierre Fortin a mesuré l'impact de ces mesures et arrive au chiffre astronomique d'une perte pour l'économie québécoise de 3,4 milliards$ annuellement, soit l'équivalent de 52 000 emplois.

Les employeurs paient donc 10,5% de plus sur le prix de l'ensemble de leurs travaux. Les contribuables ramassent aussi une bonne partie de la facture puisque la majorité des chantiers à l'extérieur du secteur résidentiel est composée de travaux d'infrastructures. Et les travailleurs sont également victimes de ce système parce qu'ils sont condamnés à travailler moins longtemps. Tandis que le Québécois travaille en moyenne 1625 heures par année, celui sur la construction n'en travaille que 950.

On ne peut pourtant accuser nos gars sur les chantiers d'être plus paresseux que le reste de la population. Au contraire, leur coeur à l'ouvrage est reconnu jusque sur les grands chantiers albertains où la réputation des gars de chez nous fait d'eux du personnel recherché. S'ils sont forcés de travailler moins que les autres au Québec, c'est simplement par manque de travail pour ceux qui se retrouvent dans des métiers trop spécialisés, confinés à une seule région, et que l'offre de travail est réduite en raison des coûts artificiellement trop élevés.

S'ajoute à cela évidemment le travail au noir. Quand la loi nous empêche de travailler, on le fait parfois illégalement. Le ministère des Finances du Québec estime que le travail au noir dans l'industrie de la construction lui fait perdre plus de 900 millions$ par année.

À qui profite donc tout ce système? La réponse est claire: aux syndicats qui détiennent le monopole d'une main-d'oeuvre otage de ce corporatisme.

Alors que tous cherchent une solution à la crise actuelle, y aura-t-il un seul des 125 élus qui soit assez lucide pour se lever à l'Assemblée nationale au cours des prochains jours et proposer de mettre fin à ce cartel qui pourrit toutes les relations de travail dans l'industrie de la construction depuis plus de quatre décennies? On doit le souhaiter de tout coeur.