La plupart des gens aspirent à mourir très vieux, sans souffrance, en pleine possession de leurs moyens. Hélas, certaines personnes connaissent une fin de vie pénible, douloureuse, marquée par une dépendance plus ou moins prolongée. Pour certains, il s'agit d'un défi, pour d'autres, d'une résignation, pour d'autres encore, d'une indignité.

Le projet de loi 52 sur les soins de fin de vie place le patient, ses valeurs et ses opinions au centre du processus de décision. S'il est majeur, atteint de maladie grave et incurable, s'il se trouve sur un déclin irréversible et avancé, s'il souffre de manière irrémédiable, il pourra opter pour une aide médicale à mourir.

Les soins palliatifs ou l'aide à mourir? C'est une fausse alternative. Les soins palliatifs sont appropriés et équipés surtout pour les personnes atteintes du cancer dont la survie est limitée et pour qui la souffrance physique constitue la principale source de détresse. Ces soins méritent d'être bonifiés pour tous ceux qui souhaitent en bénéficier, ce qui est prévu dans le projet de loi.

Par contre, les soins palliatifs se trouvent démunis devant les gens souffrants de maladies neurodégénératives, comme les formes sévères de la sclérose en plaques ou la sclérose latérale amyotrophique. La diminution des forces physiques allant jusqu'à la dépendance la plus complète pour les besoins de base constitue la source de détresse pour certains de ces malades. D'ailleurs, ce sont les personnes avec les maladies neurodégénératives qui ont réclamé avec le plus d'insistance l'aide à mourir.

En réalité, dans les pays où l'aide médicale à mourir est permise, les soins palliatifs et l'aide active à mourir se complètent.

L'aide à mourir ou l'euthanasie? Certains opposants à l'aide à mourir trouvent que l'on devrait parler de l'euthanasie plutôt que de l'aide médicale à mourir. Alors que «l'euthanasie» signifie «bonne mort», le terme a acquis une connotation extrêmement négative en Allemagne nazie, où il équivalait au meurtre des personnes indésirables. De nos jours, on euthanasie un animal malade ou encombrant. Pourquoi ne pas utiliser un terme plus humain et plus précis: «l'aide médicale à mourir» ?

Et les dérives? Certains opposants agitent l'épouvantail: on voudra se débarrasser des vieux, l'entourage forcera les mourants à réclamer l'aide à mourir, les hôpitaux ne seront plus sécuritaires. La loi est claire: seulement une personne apte à donner son consentement pourra demander l'aide à mourir. L'équipe de soins aura la responsabilité de s'assurer que la demande est formulée sans influence indue. Ce ne sera pas nouveau: tous les jours, les malades signent des consentements aux soins ou des refus de traitement. Pourtant, personne ne met en doute la légitimité de ces décisions.

Par ailleurs, la Commission sur les soins de fin de vie veillera à l'application rigoureuse de la loi. De plus, il est illusoire de s'imaginer que l'absence de loi empêche des dérives.

Et la relation médecin-patient? Certains craignent une perte de confiance envers le médecin, qui doit guérir et soulager, mais pourra aussi administrer une substance létale pour abréger les souffrances. L'expérience va dans le sens opposé: la confiance s'accroit parce que le médecin respecte les volontés du mourant et l'accompagne jusqu'à l'extrême limite de la vie dans une continuité des soins.

Sue Rodriguez, Georges Fariala, Manon Brunelle: ces personnes ont réclamé l'aide à mourir. Les deux premiers se sont suicidés avec l'aide des proches; Manon est allée «profiter» du suicide assisté en Suisse.

Il était temps que le Québec prenne soin de ses citoyens avec compassion et sans préjugés. Le projet de loi 52 (la future loi Hivon?) sur les soins de fin de vie met le Québec à l'avant-garde des sociétés.