Il a suffi d'à peine quatre mois pour que le cancer ronge complètement son corps, quatre mois durant lesquels les souffrances ont pris de plus en plus de place. Quatre mois remplis de mauvaises nouvelles et de déceptions, mais également quatre mois où le mot espoir a toujours été présent. Comment faire autrement lorsqu'on est à peine âgé de 26 ans, qu'on est follement amoureux et qu'on a la tête remplie de projets?

Jamais il n'a parlé une seule fois d'euthanasie, jamais il n'a voulu admettre que l'étape des soins palliatifs était arrivée. Il ne pouvait pas accepter les soins palliatifs parce que ça aurait voulu dire qu'il acceptait la mort de ses espoirs en même temps que la sienne, et c'est impossible quand on a 26 ans et qu'on est follement amoureux.

Un soir de février, alors que ses souffrances étaient devenues quasi insupportables, le médecin a prononcé les mots que personne ne voulait entendre, surtout pas lui. Il n'y avait plus aucun espoir.

Plus d'espoir signifiait soins palliatifs, et soins palliatifs voulait dire mourir dignement sans grandes souffrances pour lui, mais également pour sa famille qui s'apprêtait à l'accompagner.

Entre le verdict final prononcé par le médecin traitant et le moment de son grand départ, tout a été très vite; à peine 60 heures se sont écoulées! 60 heures, c'est vraiment peu, mais c'est aussi, paradoxalement, une éternité quand elles sont faites de douleurs, de respirations saccadées, de sursauts et d'attente du dernier souffle qui viendra enfin mettre un terme à ses souffrances et aux coups de couteau dans le coeur des membres de la famille.

Devant son supplice physique et psychologique, l'interdit a été demandé: peut-on SVP augmenter ses doses, lui donner un cocktail magique et mettre fin à ces scènes d'horreur inutiles? La réponse est tombée comme une tonne de briques: on ne peut rien faire de plus, on ne peut pas déroger du protocole.

Ses dernières heures de vie furent abominables, lui qui avait pourtant eu une vie si riche, si intense en émotions. Une vie bien trop courte, mais remplie de passion. Comment accepter qu'elle se finisse de façon aussi indécente?

Sa famille aurait préféré un départ plus rapide, plus doux, plus serein, mais le personnel soignant en a décidé autrement.

Depuis ce triste jeudi de février, toutes les fois où j'entends le mot euthanasie, je me dis que la ligne est très mince entre les beaux principes et l'hypocrisie.

Je sais qu'il reste encore beaucoup de travail à faire avant d'établir les balises légales et les principes qui encadreront le droit à l'euthanasie, mais il ne faudra surtout pas oublier d'y inclure l'empathie, la compassion, le respect et le gros bon sens.

Mon ami est mort dans l'indignité de ses souffrances. Honte aux hypocrites!