Gestionnaires chevronnés: attention avant de mettre votre expertise au service d'autres entreprises en siégeant sur un conseil d'administration! Vous pourriez avoir à payer des amendes - ou même purger une peine d'emprisonnement - pour des gestes que vous n'avez pas posés et dont vous n'étiez même pas au courant.

Et oubliez ça si vous pensez vous en sortir en invoquant la présomption d'innocence: le gouvernement du Québec a décidé d'inverser le fardeau de la preuve et de vous considérer coupable tant que vous n'avez pas prouvé votre innocence.

C'est en gros ce qui se retrouve dans la trentaine de projets de règlement qui ont été publiés pour commentaires dans la Gazette officielle du Québec. Les modifications proposées dans ces projets de règlement visent, essentiellement, à introduire des sanctions administratives pécuniaires et des sanctions pénales dans ces règlements, ou à les modifier si ceux-ci en prévoient déjà, de manière à les rendre cohérentes avec celles prévues dans la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE).

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a déjà signifié au gouvernement, lors des consultations sur les modifications à la LQE, qu'elle trouvait abusives les nouvelles dispositions qui visent à renverser le fardeau de preuve, principe pourtant fondamental dans la pratique du droit.

Selon ces nouvelles dispositions, l'administrateur ou le dirigeant de la personne morale, société ou association serait présumé avoir commis lui-même cette infraction, à moins qu'il n'établisse qu'il a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour éviter qu'elle ne soit perpétrée.

Il est normal qu'on poursuive des administrateurs qui ont agi intentionnellement ou fait preuve de négligence ou d'insouciance. S'il est prouvé que des administrateurs ont ordonné qu'une série de contrôle de sécurité soit désactivée et qu'ils n'ont rien fait pour y remédier, qu'on leur impose de fortes pénalités financières ou qu'on les emprisonne comme le prévoient les nouvelles dispositions légales et réglementaires.

Mais si l'on avait caché cette information aux administrateurs et que ceux-ci ignoraient les problèmes de sécurité environnementale, ils ne devraient pas être tenus responsables de gestes qu'ils n'ont pas posés et de décisions qu'ils n'ont pas prises.

La possible imposition de pénalités financières aux administrateurs d'une entreprise compliquerait le recrutement, privant ainsi les entreprises du Québec des conseils judicieux d'administrateurs aguerris et expérimentés. La situation serait encore plus criante pour les entreprises dont les activités sont jugées à risque en matière environnementale.

Qui, effectivement, voudrait mettre en péril sa sécurité financière en contrepartie du simple remboursement d'une allocation de dépenses ou de la seule valorisation à aider d'autres entrepreneurs?

La FCCQ recommande donc au gouvernement de faire marche arrière et de ne pas imposer de pénalités financières aux administrateurs de société, sauf si la preuve démontre qu'ils ont agi intentionnellement et en connaissance de cause afin de nuire à l'environnement. Cela serait en accord avec l'essence de notre droit et cela serait aussi... du gros bon sens!