Avec le développement des sciences biomédicales et des nouvelles technologies qui s'y rattachent, il est possible aujourd'hui de maintenir en vie un individu en phase terminale durant des jours, voire des mois durant. Alors que le mourant devrait normalement être mort de façon naturelle.

Lorsqu'une personne n'a plus sa conscience et que la maladie continue à dégénérer sans qu'elle puisse faire marche arrière, je ne vois pas la nécessité de la maintenir dans l'existence avec des moyens artificiels et de la réduire à l'état de simple légume.

À ce jour, l'euthanasie est considérée comme un problème parce qu'elle repose en grande partie sur la moralité. Mais lorsque les mentalités auront changé au point d'atteindre un niveau de conscience plus humaniste à travers une évolution culturelle davantage axée sur une vision objective de la mort, alors l'euthanasie ne sera plus perçue comme un problème de morale, mais plutôt comme une décision d'ordre éthique. Une décision pertinente pour le plus grand bien de la personne en cause, ainsi que pour toute la collectivité.

Il ne fait pas confondre l'éthique et la morale. Car l'éthique, contrairement à la morale, ne fait aucunement partie d'une doctrine religieuse. Elle est plutôt affranchie de tout dogme et se base sur le principe du «gros bon sens» à la suite d'une approche interdisciplinaire et humaniste. C'est à cette fin que l'on a inauguré des centres de bioéthique dans certaines cliniques médicales. La bioéthique se préoccupe surtout des conditions qui se rattachent à une gestion responsable de la vie humaine.

Il n'y a pas que l'euthanasie passive (abandon des traitements) qui met fin à l'acharnement thérapeutique. Le recours à l'euthanasie humaine comporte aussi un autre mode d'intervention, qui est cette fois-ci actif. Dans le voisinage du suicide assisté, l'euthanasie active implique que l'acte soit posé dans le but de provoquer directement la mort de personnes en mal de vivre et qui souhaitent en finir avec l'existence. Cette pratique n'est cependant pas encore admise dans notre système judiciaire.

Le problème réside dans le fait que bon nombre de nos contemporains ne sont pas prêts à endosser un tel geste d'humanisme, étant encore trop enracinés dans leurs valeurs traditionnelles. Valeurs tout à fait justifiées pour l'époque, mais devenues désuètes pour les nouveaux humanistes à l'aube du troisième millénaire.

Qu'est-ce à dire? Tout d'abord, le mot humanisme n'a pas la même signification pour tous. Selon la tradition judéo-chrétienne par exemple, on considère humanistes ou altruistes ceux qui font la charité aux pauvres et assistent les mourants dans leurs souffrances jusqu'à la dernière lamentation : vous aurez une plus belle place au ciel, disent-ils.

Combien de gens encore aujourd'hui portent la croix du crucifié, objet de torture et de mort symbolisant la souffrance et l'humiliation? Pour eux, il est nécessaire de passer par la souffrance pour expier ses fautes afin de sauver son âme. Cette tendance à l'ascèse ou à la mortification s'est un peu amoindrie au cours des dernières décennies, mais elle persiste toujours.

D'autre part, les néo-humanistes, eux, voient les choses d'un tout autre angle. Aider ceux qui sont dans le besoin, oui! Mais ne pas créer chez eux une dépendance chronique ni une reconnaissance absolue envers leurs «bienfaiteurs». Car cette forme d'altruisme relèverait beaucoup plus d'une stratégie d'endoctrinement que d'un véritable humanisme. Rendre les gens autonomes et responsables de leur qualité de vie: voilà les préoccupations fondamentales des néo-humanistes.

Pour le nouvel humaniste, la qualité de la vie prime sur tout, même sur toute forme de moralité qui fait passer l'existence avant la dignité humaine. C'est pour cette raison qu'il n'hésite pas à recourir à des méthodes vraiment humanistes lorsqu'il s'agit de soulager la souffrance humaine quand cette qualité de vie n'est plus possible. Nous avons droit à la vie, dit-on, alors pourquoi n'aurions-nous pas aussi droit à la mort? Il s'agit d'un choix entièrement personnel. Quel que soit notre système de pensée, nous avons tous des valeurs qui nous sont propres.

La grande difficulté d'approche à l'euthanasie active vient du fait que cette pratique ne fait pas encore partie de nos moeurs, et par conséquent elle a du mal à prendre sa place au sein des concepts philosophiques déjà existants. Tout comme l'avortement, l'euthanasie passive ou active n'est pas un choix de société. Elle ne relève pas non plus du politique ni du système judiciaire, et encore moins du domaine des religions, car trop de conjectures émanent de leurs différentes idéologies.

Dans un cas de force majeure, cette décision revient tout d'abord à la personne concernée tout en requérant du soutien de l'appareil médical. Et c'est justement en prévision d'une telle éventualité que l'on perçoit ici l'utilité d'un testament biologique préalablement signé par le bénéficiaire. Ce service est désormais accessible dans certains milieux hospitaliers pour ce qui concerne l'euthanasie passive, c'est-à-dire le non recours à l'acharnement thérapeutique au cas où il arriverait quelque chose de grave.

D'une façon ou d'une autre, le recours à l'euthanasie sur demande, qu'elle soit passive ou active, devrait nécessairement passer par la décision venant d'un comité d'éthique. Cet acte qu'est l'euthanasie ne peut se pratiquer dans l'isolement ou en clinique privée. De plus, cette demande doit faire l'objet d'une étude sérieuse et être approuvée par des professionnels en bioéthique, ne serait-ce que pour empêcher les abus de toutes sortes.