Comme l'artiste se retrouvant dans sa loge, après avoir livré la plus grande performance de sa vie, je me réfugie dans la mienne, abasourdie et heureuse, emplie de cette oeuvre collective que nous avons tant caressée et que nous caresserons toujours.

Le rideau vient de tomber sur ce périple familial de dix semaines en Asie du sud-est.  Je savais que la frénésie entourant cette expérience était éphémère.  Je sais, par contre, que ses impacts sont innombrables et que ces pérégrinations nous ont transformés à jamais.

Dix semaines à vivre intensément le moment présent. Dix semaines à savourer le bonheur de plonger réellement dans le regard de mes trois enfants et de mon chum. Dix semaines de rapports hautement humains, de contacts purs. Dix semaines à apprivoiser le silence. Dix semaines à valser avec l'inconnu, à nous déstabiliser à chaque seconde pour mieux nous connaître... et pour mieux nous reconnaître, encore et encore. Dix semaines à nous apprécier, à nous cajoler, à remercier la vie. Dix semaines à éveiller nos cinq sens, malheureusement engourdis depuis quelques années. Dix semaines à faire équipe avec nos enfants.

Le rideau vient à peine de tomber que les commentaires fusent de toutes parts.  Mon beau-frère nous avoue avoir douté de notre projet - et il n'est pas le seul.  Partir avec des enfants âgés de 6, 8 et 10 ans, sacs au dos, semblait inconcevable dans sa tête.  Franchir la barrière d'un monde inconnu terrorisait plusieurs membres de notre entourage.  Ah!  cette fameuse peur de l'inconnu. À force d'anticipations malsaines, on se freine et on cadenasse tellement de portes!

Et, pourtant, depuis notre retour en sol québécois, ces peurs ont laissé place aux éloges.  Les verrous sont tombés et la critique est unanime : nos enfants sont tellement sereins et le regard de chacun d'eux est d'une luminosité sans fin.

Le 30 avril dernier, jour du retour, quelques minutes avant d'embarquer dans l'avion à l'aéroport de Hanoï, au Vietnam, j'ai demandé à mon aîné, Matis, de m'identifier trois qualités qu'il avait développées durant ces 72 jours.  Il m'a répondu, solennellement :  «L'émerveillement, la confiance en moi et le dépassement».

À bien y repenser, cette énumération est lourde de sens.  Il a bien raison.  En dix semaines, nous avons cultivé l'amour du beau et du vrai.  En 10 semaines, nous avons été émus, à maintes reprises, devant l'incommensurable beauté de la nature, nourrissant ainsi notre intériorité.

À l'heure des bilans, je vous avoue que c'est à mon tour d'avoir la frousse... en vous regardant courir.

À l'heure des bilans, je remercie Matis d'avoir synthétisé, en quelques mots, une myriade de sentiments qui nous habitent, ma famille et moi.  Je sais que, tôt ou tard, nous devrons reprendre la course folle, mais je nous souhaite que l'émerveillement, la confiance et le dépassement de soi fassent désormais partie de notre quotidien québécois.  Voilà notre nouveau défi.