Dans son texte, Louis Massicotte m'a accusé de fausser les bases documentaires sur lesquelles repose mon livre La Bataille de Londres. Au fil des années, j'ai pourtant examiné des milliers de documents inédits sur le rapatriement. Pour le politologue, ce labeur est superflu.

«Point n'est besoin... des archives de l'Ennemi» écrit-il. À l'aide d'un examen rapide des journaux de l'époque et en utilisant un livre de Gil Rémillard, il vilipende mon travail.

C'est ainsi que j'aurais mal compris la première d'au moins cinq violations du principe de séparation des pouvoirs par Bora Laskin, alors juge en chef de la Cour suprême. Le 26 mars 1981, le premier magistrat déclare à une source fédérale que la Cour suprême entendrait une demande d'appel du Manitoba le 28 avril. Débouté devant ses tribunaux, le gouvernement manitobain espérait contester devant la plus haute cour du pays la démarche constitutionnelle du gouvernement Trudeau.

Le juge Laskin confie également qu'il espère faire en sorte que la Cour suprême tranche l'affaire avant la fin de la procédure parlementaire en Grande-Bretagne. Le confident du juge en chef rapporte aussitôt l'information au haut-commissaire britannique à Ottawa, John Ford, lequel envoie un message urgent et confidentiel à Londres.

Pour M. Massicotte, ce scoop n'en est pas un, car la Cour suprême aurait informé les procureurs fédéraux de cette affaire le ou vers le 26 mars et le tout a été rapporté dans les médias au cours des jours qui ont suivi. D'abord, il s'agit bel et bien d'une fuite puisque le ministre britannique Francis Pym en a fait lui-même l'annonce au ministre de la Justice Jean Chrétien lors d'une visite de ce dernier à Londres à la même époque. M. Chrétien a été pris complètement par surprise d'apprendre cette nouvelle de la bouche d'un ministre anglais.

La révélation capitale n'est pas celle de la date du 28 avril, mais bien le fait que le juge en chef comptait faire aboutir le processus avant que le Parlement britannique ne termine sa procédure de modification de la constitution canadienne. Pour le gouvernement de Sa Majesté, il n'était pas question de forcer l'adoption d'une résolution constitutionnelle qui était contestée devant les tribunaux canadiens.

Le juge en chef était à l'évidence au courant de cette situation et a tenté de rassurer Londres. Son tribunal agirait promptement, soit avant que Westminster n'ait à donner l'accord final.

Cette confidence était renforcée par le fait que, quelques mois plus tôt, le juge Willard Estey avait indiqué à John Ford que la Cour suprême aurait besoin de deux mois pour trancher cette question, soit un délai court.

Tout cela échappe à mon détracteur. À l'instar de certains politologues, Louis Massicotte écrit l'histoire avec des sources secondaires: livres des autres sans le moindre document inédit et articles de journalistes. Pour ma part, j'écris l'histoire à l'aide des sources primaires.