Le désarroi nous habite, citoyens que nous sommes, à entendre ce que plusieurs savent et que la commission Charbonneau nous dévoile sur la corruption en politique municipale. La commission s'intéresse principalement au financement électoral, reléguant du même coup la tricherie au rang de problème mineur.

Les ondes de choc provoquées n'ont pas fini d'atteindre tous les Québécois que des mesures prises à la hâte ne répondent pas au voeu de tous: plus d'éthique et plus de transparence dans les affaires publiques. Mettre les firmes de professionnels à l'index, imposer plus de contrôles et réduire le plafond des dépenses électorales n'ajoutent pas plus de morale ni ne modifient la culture d'organisation et les techniques électorales de «mise en valeur» des candidats.

Même si la commission a réussi à délier plusieurs langues, la plupart des élus, eux, sont restés à l'écart. On les entend encore dire tout haut «Ce n'est pas ma faute! C'est l'autre». Pire encore, en se concentrant sur les grandes villes, la commission oublie que la majorité des Québécois vivent dans de petites villes, et qu'il y a aussi parmi les rangs des élus des municipalités de 5000 habitants et moins, des conseils municipaux corrompus.

À l'abri de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, qui ne leur impose aucune limite de dépenses, les candidats aux élections dans les petites municipalités peuvent commettre des dizaines «d'irrégularités» sans avoir à en rendre compte, ni au Directeur général des élections, ni aux citoyens.

Lors de son témoignage, en référant à une élection clés en main, Gilles Cloutier a précisé que ça n'était pas pareil, parce que c'est une petite municipalité (5000 habitants et moins). Nous croyons que les stratagèmes décrits à la commission Charbonneau existent dans les petites municipalités. Mais les dénonciations de ces stratagèmes dans les petites municipalités n'intéressent pas le ministère des Affaires municipales ni les médias nationaux.

En quoi les citoyens des petites municipalités sont-ils différents de leurs compatriotes montréalais ou lavallois? Si les balises des chartes des grandes villes, les lois et le contrôle public ont permis les dérapages que l'on sait à Montréal et à Laval, ne doit-on pas s'inquiéter davantage de ce qui se passe dans toutes ces petites villes où le maire, son directeur général et ses quelques fonctionnaires peuvent exercer un rapport de domination extrême sur tous, à l'abri du public et des médias?

Et quand le soupçon prend de l'ampleur et que les citoyens se mobilisent et s'engagent en politique, le président d'élection nommé est le directeur général, un employé du maire. Ensuite, le président d'élection nomme le personnel électoral parmi les employés de la ville ou la liste fournie par le maire. Les plaintes des citoyens pour partialité ou fraude électorale envoyées au DGE sont renvoyées à ce même président d'élection qui en dispose selon son bon vouloir. C'est la loi, dit-on chaque fois à Québec! Et les magouilleurs continuent de magouiller.

Pour rester crédible, la commission Charbonneau doit aussi analyser le cas d'une municipalité de 5000 habitants et moins. Le jeu en vaut la chandelle, car il y a environ 800 petites municipalités au Québec. À moins qu'elle n'explore ce qui s'y passe, la commission Charbonneau laissera un goût amer aux citoyens des petites municipalités où la corruption et la tricherie peuvent être pratiques courantes. Car il ne doit pas y avoir une justice pour les citoyens des grandes villes et une autre pour ceux des petites villes.