Si elle est acceptée, l'offre du Qatar de déménager le siège social de l'Organisation de l'aviation civile internationale dans un état du golfe Persique portera un dur coup à Montréal.

L'OACI, qui réglemente les questions de sécurité et d'environnement dans le domaine de l'aviation internationale, joue un rôle de premier plan à Montréal depuis qu'elle y a amorcé ses activités en 1947. Aucune agence des Nations unies dont le siège social est établi depuis si longtemps au même endroit n'a encore fait l'objet d'une proposition visant à l'inciter à quitter son pays hôte.

Une prolongation de 20 ans du bail de l'agence, prévoyant un soutien du gouvernement fédéral de 9,7 millions de dollars sur cinq ans, a été négociée avec succès par le gouvernement canadien et approuvée par le conseil de l'OACI. Ce document était sur le point d'être signé par le secrétaire général lorsque le Qatar, un petit, mais richissime émirat du golfe Persique, a proposé de déménager le siège social de l'OACI à Doha, dans la péninsule arabique.

Le Qatar est sérieux... très sérieux. Cet émirat a vu ce que ses voisins ont accompli en investissant dans le secteur de l'aviation. Ainsi, dans les Émirats arabes unis, Emirates Airlines a contribué à transformer Dubaï en puissance économique mondiale, et Etihad Airways en fait autant avec Abu Dhabi.

En vertu de l'article 45 de la Convention de Chicago, le Qatar doit convaincre 60% des 191 pays membres de l'OACI de quitter Montréal pour Doha. À cette fin, il a promis de construire un siège social ultramoderne pour l'organisation et d'en assumer les coûts de fonctionnement. Le Qatar s'est également engagé à apaiser certaines frustrations exprimées par des délégués et des employés étrangers de l'OACI en poste à Montréal.

L'aérospatiale constitue la principale industrie exportatrice du Québec, et ses ventes annuelles se chiffrent à plus de 11 milliards de dollars. Elle emploie au-delà de 40 000 travailleurs dans plus de 200 installations de la grande région de Montréal. À l'échelle mondiale, seules Toulouse et Seattle génèrent une activité économique liée à l'aviation et à l'aérospatiale plus importante que celle de Montréal.

Des centaines de représentants et d'employés gouvernementaux de toutes les régions du monde viennent à Montréal afin de siéger à différents comités de l'OACI. Des milliers d'autres visitent la métropole dans le cadre de congrès et de séminaires internationaux en aviation. Ces visiteurs séjournent dans les hôtels, fréquentent les restaurants, empruntent des taxis et investissent dans des biens immobiliers, contribuant ainsi à la prospérité économique de Montréal.

Depuis 66 ans, la métropole est un pôle d'attraction pour l'aviation internationale et les associations commerciales, dont l'Association internationale du transport aérien, l'Institut de droit aérien et spatial de l'Université McGill, la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne, la Fédération internationale des associations de contrôleurs aériens, l'Organisation des services de navigation aérienne civile et le Conseil international des aéroports, qui a quitté Genève pour Montréal en 2010.

En plus d'entraîner la perte de 600 emplois et des quelque 100 millions de dollars injectés annuellement dans l'économie locale, le départ de l'OACI provoquerait vraisemblablement l'exode d'autres organisations internationales qui doivent demeurer à proximité de l'OACI, et ce, dès l'expiration de leur bail.

Outre des pertes économiques tangibles, Montréal perdrait sa réputation à titre de centre mondial de l'activité aéronautique internationale, ce qui pourrait freiner les investissements dans le domaine de l'industrie manufacturière aérospatiale locale. En outre, le Canada, qui a déjà perdu son siège au Conseil de sécurité des Nations unies, souffrirait d'une perte de prestige évidente.

Le temps est venu d'agir. Le Canada, le Québec et Montréal doivent montrer l'importance qu'ils attachent à la présence de l'OACI au sein de leur communauté, sans quoi ils ne pourront la dissuader de déménager son siège social au Qatar.