Lorsque j'ai appris que l'ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt, était accusé de gangstérisme et d'avoir blanchi 15 millions de dollars dans des paradis fiscaux, j'ai été aussi estomaqué qu'indigné.

J'ai été le premier parlementaire à déposer une loi antigang en 1995. À cette époque, les bandes de motards criminels se livraient une bataille pour le contrôle du marché de la drogue à Montréal. Comment ne pas se rappeler l'attentat à la voiture piégée qui a causé la mort du jeune Daniel Desrochers dans Hochelaga-Maisonneuve? L'assassinat des gardiens de prison Diane Lavigne et Pierre Rondeau en 1997? Les menaces de mort à l'endroit de mon collègue Yvan Loubier parce qu'il avait dénoncé le problème des plantations forcées de marijuana sur les terres agricoles du Québec?

L'arrestation de Gilles Vaillancourt nous fait revivre une période de l'histoire du Québec qui est trouble et désolante. De 1994 à 2000, il y a eu au Québec 151 meurtres, 170 tentatives de meurtre et 13 disparitions pour un total de 334 événements violents. La guerre des motards a aussi été à l'origine de 129 incendies criminels et de 82 attentats à la bombe.

Cependant, la définition adoptée en 1997 de gangstérisme par les parlementaires s'est s'avérée assez peu efficace pour les forces de l'ordre parce qu'il fallait au moins cinq personnes ayant commis, au cours des cinq dernières années, des infractions punissables de plus de cinq ans. Les dirigeants des organisations criminelles avaient confié la commission des infractions à des individus qui échappaient à cette définition complexe et alambiquée.

En 2002, le gouvernement fédéral, avec le projet de loi C-24, a simplifié la définition d'organisation criminelle, qui implique «un groupe, composé d'au moins trois personnes, dont un des objets principaux est de commettre une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer un avantage matériel, notamment financier».

En portant des accusations de gangstérisme contre l'ex-maire Vaillancourt, la Couronne a, pour la première fois dans les annales judiciaires, mis sur un pied d'égalité des criminels notoires et un élu du peuple qui avait obtenu la confiance de ses concitoyens pendant plusieurs décennies. Bien sûr, Gilles Vaillancourt a droit à la présomption d'innocence et tout ce qui est allégué devra être prouvé selon les règles de droit bien établies. Cependant, l'arrestation de l'ex-maire de Laval est d'autant plus troublante que le gangstérisme se situe à un niveau de gravité plus élevé que la corruption, le complot ou l'extorsion.

Pour obtenir la condamnation de Gilles Vaillancourt au motif de gangstérisme, condamnation qui pourrait entraîner une peine variant entre 14 ans de prison et l'emprisonnement à perpétuité, la Couronne devra démontrer hors de tout doute que l'ex-maire a participé ou a eu une contribution importante aux activités d'un gang; qu'il avait connaissance de la commission de ces actes criminels par des membres; qu'il a lui-même participé à un acte criminel; ou qu'un acte criminel a été commis sous la direction d'un gang ou en association avec lui.

Bref, que Gilles Vaillancourt s'est inséré dans une criminalité de réseau qui l'englobait et le dépassait. Il n'y a pas de gangstérisme sans une collaboration intime entre des fonctionnaires, des professionnels et des individus reliés au crime organisé.

L'arrestation de Gilles Vaillancourt jette un voile de déshonneur sur la classe politique municipale. Bien peu de parlementaires de la cohorte de 1997 auraient pu imaginer que le filet de la loi antigang attraperait celui qui a dirigé la troisième plus grande ville en importance du Québec.

Malgré tout, l'arrestation de Gilles Vaillancourt a de quoi rassurer les justiciables québécois à trois titres: le système des enquêtes est efficace, nul ne peut enfreindre la loi impunément et des élections municipales se tiendront en novembre prochain...