La récente vidéo de Xavier Dolan sur la chanson College Boy dénonçant à sa manière le bullying chez les jeunes et la controverse qui s'en est immédiatement suivie m'ont d'abord choquée, puis attristée.

Je crains en effet que les efforts déployés par toutes les personnes qui se sont impliquées, au jour le jour, dans la lutte contre l'intimidation ne soient enterrés sous un débat sur la violence des images, l'instrumentalisation de la religion, ou encore de la place qu'occupent les armes à feu dans notre société.

Et l'on perdra ainsi de vue l'objectif essentiel de la campagne de sensibilisation entreprise pour susciter l'empathie du public à l'égard de la plaie sociale que constitue l'intimidation.

Bien sûr, j'admire le talent remarquable de Xavier Dolan: comment ne le ferions-nous pas devant les succès qu'il engrange, vu l'authenticité de son art si profondément ancré en lui-même?

Mais la conjonction du coup de poing cinématographique et la référence au symbole religieux dans cette vidéo pourront avoir pour effet de déstabiliser la campagne pour aiguiller plutôt le débat sur des enjeux esthétiques ou graphiques.

Car en fait de quoi s'agit-il? Que cherchons-nous à atteindre?

La Fondation Jasmin Roy et moi sommes engagés à faire prendre conscience aux jeunes et aux adultes de la souffrance et de la détresse que vivent les ados qui sont l'objet d'intimidation.

Nous voulons toucher la part d'humanité qu'il y a dans chaque personne pour inciter à réagir face à la victimisation d'un être sans défense devant ses agresseurs.

Nous cherchons à inculquer aux jeunes des valeurs de respect d'autrui, du droit à la différence et à faire comprendre qu'une société est plus forte quand elle ne laisse personne en marge.

En somme, c'est une démarche fondée sur la valeur d'être de chaque individu et sur la dignité dont chacun doit pouvoir bénéficier, autant dans la cour d'école que sur les réseaux sociaux.

Cette approche est profondément humaniste: c'est un témoignage tangible du genre de société que nous nous sommes engagés à construire sur des bases de respect de la liberté des personnes.

Nos objectifs touchent tous au plus profond des principes qui peuvent seuls assurer la dignité humaine.

La vidéo College Boy, bien qu'elle se concentre sur la violence destructrice révoltante et l'aveuglement volontaire, reste malheureusement, selon moi, en deçà de l'objectif que l'on cherche à atteindre. La vidéo est un peu semblable à la nouvelle télé d'une catastrophe routière qui a produit une hécatombe.

C'est un fait qui frappe l'attention sur le moment mais qui ne laisse pas d'espoir au-delà de sa puissance tragique. On n'y apprend rien de plus sur les mesures de prévention et de sécurité.

Il nous revient donc entièrement de reprendre la réflexion et de poursuivre nos efforts d'empathie, d'éducation et de sensibilisation, qui sont les seuls gages d'une rédemption. Ce sera certainement plus long que les quelque 6 minutes que dure la vidéo College Boy.