La Saskatchewan est une province de seulement 1 million d'habitants et les débats politiques qui la divisent font rarement les manchettes ailleurs au pays. Pourtant, un débat faisant présentement rage dans la province retient l'attention. Ce débat concerne un projet de redécoupage des circonscriptions électorales fédérales.

Pour comprendre ce débat, il faut d'abord se tourner vers la carte électorale actuelle, caractérisée par l'absence de circonscription purement urbaine, ce qui semble avantager les conservateurs, les électeurs ruraux étant en moyenne plus favorables aux conservateurs que ceux des grands centres. Il y a aujourd'hui 14 circonscriptions fédérales dans la province et ce nombre devrait rester le même.

Toutefois, dans un rapport dévoilé fin 2012, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la Saskatchewan a proposé une carte profondément redessinée, avec des circonscriptions purement urbaines à Régina et Saskatoon, des villes de 193 000 et 222 000 habitants respectivement (recensement de 2011).

Selon la Commission, des changements démographiques comme l'augmentation graduelle du poids relatif des villes justifient un tel redécoupage (environ 60% des habitants de la province vivent dans les villes, ce qui tranche avec son image traditionnellement rurale).

Les réactions face au redécoupage proposé ont été virulentes dans le camp conservateur, qui domine la province - une seule circonscription fédérale, celle du libéral Ralph Goodale, échappe actuellement à leur contrôle. Même si un tel redécoupage ne risque sans doute pas de leur faire perdre leur hégémonie lors des prochaines élections fédérales, les conservateurs ont lancé une attaque en règle contre le projet.

Ainsi, plus tôt cette année, les conservateurs ont lancé une série d'appels téléphoniques automatiques enjoignant les résidants de la province de s'opposer au projet de redécoupage électoral. En plus d'affirmer que les circonscriptions mixtes (rurales-urbaines) actuelles reçoivent l'appui du public et quelles sont ancrées dans l'histoire et la culture politique de la province, certains députés conservateurs fédéraux ont dénigré publiquement le travail et l'intégrité des deux commissaires qui soutiennent le controversé plan de redécoupage (le troisième commissaire s'y oppose).

Par exemple, le 16 avril, devant un comité parlementaire, le député conservateur d'arrière-ban Maurice Vellacott (élu pour la première fois en 1997 sous la bannière réformiste) de la circonscription de Saskatoon-Wanuskewin s'est attaqué à John Courtney, politologue à la retraite et auteur de l'ouvrage de référence sur l'histoire du redécoupage des circonscriptions électorales au Canada. Selon Vellacott, le politologue de l'Université de la Saskatchewan ne serait pas impartial et, conséquemment, il devrait démissionner de la commission. Comme le souligne David McGrane dans un quotidien de Saskatoon (Star Phoenix, 19 avril), ce genre d'accusations, selon lui sans fondement, pourrait à l'avenir inciter les citoyens appelés à siéger sur ce type de commission d'experts d'y penser deux fois avant d'accepter cette invitation.

Néanmoins, en Saskatchewan comme dans les autres provinces, c'est la commission qui a le dernier mot en matière de redécoupage électoral et il est probable que sa décision sans appel sera de mettre en oeuvre le plan qui déplaît tellement aux conservateurs.