Pour le délégué général du Québec à New York, faire comprendre nos lois linguistiques est une tâche importante. Aux États-Unis, New York est le berceau de l'opinion publique plus que tout autre endroit. Mais le défi est de taille. Il est difficile d'expliquer à un New-Yorkais la raison pour laquelle une personne ne devrait pas avoir le droit de parler anglais.

En qualité de représentant officiel du gouvernement du Québec à New York, André Boisclair a récemment critiqué un article du magazine Time sur les lois linguistiques du Québec. On voit mal comment sa lettre améliorera les choses pour qui que ce soit. Selon lui, l'article du Time est truffé de «plusieurs déclarations trompeuses et biaisées», mais il n'en identifie aucune.

La déclaration la plus trompeuse que j'ai pu relever se trouvait dans la réponse de M. Boisclair, lorsqu'il déclare que les Anglo-québécois ont accès à un réseau d'établissements d'enseignement en langue anglaise. Il omet d'informer son auditoire américain qu'aucun de ses membres n'aurait le droit d'envoyer leurs enfants à ces écoles de langue anglaise. S'ils déménagent au Québec, le gouvernement du Québec les considère comme des anglophones, mais pas comme des Québécois.

L'article du magazine Time était biaisé, en ce qu'il présentait un seul point de vue, mais il n'était pas trompeur. Depuis 1975, on constaté l'érosion constante de la place acceptable de l'anglais - et des Anglais - depuis les promesses d'un «Québec bilingue» faites par Robert Bourassa et Claude Ryan a l'époque.

Je suis d'accord avec l'article du Time lorsqu'il déclare que «au cours des dernières années, nous vivions une sorte de paix linguistique.» L'actuel gouvernement a rouvert le débat sans la moindre preuve sérieuse de la nécessité de le faire, aux fins de promouvoir l'indépendance. La population francophone semble convenir qu'il devrait le faire. Elle a porté le Parti québécois au pouvoir et je n'ai pas encore entendu un leader francophone crédible du secteur privé exprimer publiquement son désaccord avec ce que fait le gouvernement.

L'avenir de la communauté anglophone du Québec repose entre les mains du gouvernement du Québec. Nous attendons encore la réponse du gouvernement à la question fondamentale: «Est-il acceptable qu'une personne vive et travaille en anglais au Québec?»

Nous pouvons faire prévaloir notre point de vue - mais c'est le gouvernement qui décidera. Et, au bout du compte, il décidera en tenant compte de ce que les francophones du Québec lui disent, non pas en fonction des revendications de la communauté anglophone. En conséquence, c'est la réputation et la crédibilité du Québec francophone qui sont en jeu.

J'ai consacré la plus grande partie de ma vie professionnelle à favoriser un rapprochement entre les deux peuples fondateurs du Québec et du Canada. Toutefois, en ce qui concerne le projet de loi 14, je dois souscrire à ce que dit le magazine Time: la plupart des Québécois anglais «estiment que les modifications ont pour but de les chasser de la province».

Selon le Time, «les jeunes non francophones qui obtiennent un diplôme quittent le Québec.» C'est désolant, mais je n'ai encore trouvé personne pour dire le contraire.

Il existe cependant d'autres endroits tout près où les anglophones peuvent s'installer, vivre, réussir et avoir le sentiment de contribuer de façon valable à l'ensemble de leur collectivité. Si c'est ce que souhaitent les francophones du Québec, le projet de loi 14 de leur gouvernement est une mesure de plus pour atteindre ce résultat. La réputation du Québec francophone parmi nos voisins de langue anglaise en subira les conséquences. Le magazine Time aura bien évalué la situation.