À l'âge de 60 ans, le père Emmett Johns, un infatigable prêtre catholique, s'est donné la mission d'aider les jeunes de la rue. «Le Bon Dieu dans la rue» était né, c'était il y a 24 ans.

Ce mercredi 3 avril, le père Johns fête son 85e anniversaire. Peu d'entre nous entreprennent une nouvelle carrière à 60 ans et prennent leur retraite à 80 ans. En 2008, après des années à travailler et à répondre à tous les appels à l'aide, quel que soit l'endroit, l'heure ou la situation, «l'aumônier des itinérants» a pris sa retraite.

Le père Emmett Johns a, en décembre 1988, rassemblé un petit groupe de bénévoles et acheté un vieux Winnebago pour sillonner les rues de Montréal la nuit. Ils offraient café, hot-dogs, mais surtout, une oreille attentive aux jeunes de la rue que personne ne voyait, ou plutôt que personne ne voulait voir. C'est à ce moment qu'il est passé de père Johns à «Pops».

Il a fait pression sur les ministres, les chefs d'entreprises, les philanthropes et il a expliqué à tout le monde qui voulait bien l'entendre qu'il faut faire fi des apparences. Il a vu le potentiel de ces jeunes, lorsqu'on cesse de les juger et qu'on les appuie. C'est d'ailleurs ce qu'il nous a appris à faire dans notre travail quotidien à Dans la rue. «Ne les jugez pas, respectez-les, aidez-les, comme vous le feriez avec vos propres enfants», nous disait-il.

Je l'ai vu s'asseoir avec une jeune mère qui avait contracté le SIDA, l'accompagner à la clinique pour ses traitements hebdomadaires, la convaincre de retourner à l'école et la soutenir lorsqu'elle trébuchait, jusqu'à ce qu'elle devienne forte et autonome.

Je l'ai aussi vu appuyer une jeune adolescente toxicomane, la réconforter, la référer à un centre de désintoxication et l'aider à trouver un appartement. Aujourd'hui, elle est mariée et a obtenu son diplôme d'études collégiales.

J'ai également entendu plusieurs histoires de jeunes frigorifiés qu'il a aidés en pleine nuit, en les amenant au Bunker, notre refuge d'urgence pour les mineurs. Ces jeunes ont partagé leurs histoires les plus sombres, des histoires qu'ils n'auraient jamais pu se résoudre à partager avec quelqu'un d'autre.

Pour Pops, c'était plus que de la charité, c'était changer la vie des jeunes en difficulté, un jeune à la fois. Une main sur une épaule, un geste aimable, une tasse de café ne sont que le début. L'objectif est de réussir à combler le vide du rejet, de restaurer l'estime de soi, de faire vivre de nouvelles expériences positives et surtout, d'être toujours là pour un jeune, qu'importe la situation.

Les jeunes de la rue lui faisaient confiance et se donnaient une deuxième chance de réintégrer la société. Pops n'avait pas l'intention de les laisser tomber. Des milliers de Montréalais, des premiers ministres aux PDG de compagnies, en passant par des voisins et des étudiants, ont vu le travail de Pops. Ils croyaient eux aussi à la société qu'il essayait de bâtir et ils l'ont aidé à la bâtir. Il y a eu la Roulotte, puis le Bunker et finalement, le centre de jour «Chez Pops». Une équipe de professionnels et de citoyens-bénévoles se sont dévoués à faire de sa vision, une réalité.

Grâce à Pops, des centaines de jeunes ont suivi nos programmes et ont atteint une pleine autonomie, certains ont poursuivi une formation professionnelle et d'autres des études universitaires.

À ses débuts, Pops espérait mettre fin à la misère des jeunes de la rue. Aujourd'hui, les besoins sont toujours aussi grands, mais il a su rallier notre communauté à la cause des jeunes sans-abri. C'est grâce à cet appui que chaque jeune marginalisé retrouvera sa place dans notre société et mon équipe et moi-même sommes fiers de perpétuer, jour après jour, la vision de Pops.

Les paroles du père Emmett Johns résonnent encore: «faites fi des apparences». De sa résidence pour aînés, il nous regarde et nous continuons son travail. Votre soutien et votre générosité sont le plus beau cadeau qu'il peut espérer pour son 85e anniversaire.