«Je suis désolée, mais on ne pourra pas terminer la mangeoire d'oiseaux, car on n'a plus d'argent.» En imaginant leurs mines déconfites, je me suis dit que je ne pouvais pas leur dire ça. Près de 90$ dollars de charnières, de vis et d'autres pièces de quincaillerie plus tard, mes élèves ont pu terminer leurs mangeoires, vivre une petite réussite et, pour plusieurs, l'offrir à leurs parents, les yeux pétillants de fierté.

Non, je ne pouvais pas leur faire ça, malgré l'affirmation de ma directrice que les coffres sont vides, qu'il n'y a plus un sou à débourser pour le reste de l'année. J'ai décidé d'investir.

C'est la triste réalité des écoles publiques. Je dispose d'environ 3,50$ par élève pour l'année, afin de rivaliser avec l'internet ou leur Xbox et les garder sur les bancs d'école. J'use de tous les stratagèmes: je suis clown, vulgarisatrice ou centre de récupération. La technicienne en travaux pratiques démonte les objets que les élèves n'ont pas ramenés et on récupère, recoupe, repeint la moindre petite pièce pouvant être réutilisée, pour qu'on puisse réaliser les projets prescrits par le ministère de l'Éducation, puisque je dois les évaluer pour le volet pratique. Mais tout cela nécessite du matériel et nous avons un budget famélique.

Il semble que mes élèves aiment beaucoup mon cours, mais moi, je suis épuisée. Chaque jour, je suis impuissante devant la misère de plusieurs de mes élèves, je me bats contre la faim ou la violence dont plusieurs sont victimes. Je n'ai pas de ressource, ou si peu, pour les aider. Je tente de leur faire réussir quelque chose, leur donner un sourire, les amener à persévérer, leur démontrer qu'eux aussi sont capables. Je me sens comme Don Quichotte contre les moulins à vent.

Nos élèves ont besoin d'aide. J'ai besoin d'aide pour les faire réussir. Mes collègues, ma direction, nous avons tous besoin d'argent et de ressources pour aider nos jeunes à terminer leurs études secondaires. Avant de céder aux demandes des universitaires, commençons par aider les élèves du secondaire.