Si vous n'étiez pas sûr que votre voiture puisse vous mener à destination, votre première pensée serait-elle de changer de conducteur ?

L'éducation dans les réserves est un véhicule qui atteint rarement son objectif : produire des étudiants diplômés de l'école secondaire parés au marché du travail ou à des études postsecondaires. Le programme fonctionne dans des conditions difficiles et est payé à l'aide d'une formule de financement désuète qui le laisse en sous-financement chronique.

Récemment, l'ex-ministre des Affaires autochtones, John Duncan, a annoncé que l'élément le plus important de son plan de réforme de l'éducation dans les réserves sera de nouvelles normes et de nouvelles structures. En d'autres termes, il croit que si vous vous trouviez au volant d'une très vieille voiture, descendant une route cahoteuse, ne sachant pas s'il vous reste assez d'essence, la meilleure façon de vous aider serait de vous fournir un nouveau conducteur, armé d'un nouveau manuel.

Le gouvernement promet « la stabilité et la prévisibilité du financement », mais aucun niveau de financement : il a, à plusieurs reprises, refusé de collaborer avec les Premières Nations pour trouver une nouvelle formule de financement. C'est un peu comme si M. Duncan promettait de s'arrêter à la station service plus souvent, mais sans dire quand il fera effectivement rajouter de l'essence dans le réservoir.

À l'heure actuelle, la Loi sur les Indiens ne prévoit pas réellement le contrôle local de l'éducation dans les réserves. Toutefois, le gouvernement fédéral délègue généralement la gestion de l'éducation aux Conseils de bande et utilise des ententes de contribution pour en définir les conditions.

Le gouvernement fédéral veut apparemment désormais reprendre la responsabilité aux Conseils de bande et la donner soit aux commissions scolaires provinciales, soit à de nouvelles administrations scolaires des Premières Nations. Les écoles existantes dans les réserves pourraient devenir des « écoles administrées par les collectivités » - indépendamment, il semble, des Conseils de bande  - mais cette approche n'est pas recommandée.

Le vérificateur général a souligné que l'éducation primaire et secondaire dans les réserves manque d'un cadre de gestion clairement défini comme ceux prévus par les lois provinciales sur l'éducation. Plus important encore, le vérificateur général a critiqué le gouvernement fédéral pour son manque de stratégie visant à combler « l'écart de scolarisation » entre ceux qui vivent dans les réserves et les autres Canadiens. En 2001, seulement 41,4% des personnes âgées de 15 ans ou plus vivant sur réserve avaient terminé leurs études secondaires, comparativement à 68,7% de la population canadienne dans son ensemble.

Il n'existe aucune preuve que si les nouveaux conseils en éducation des Premières Nations, ou encore les commissions scolaires provinciales existantes, dirigent les écoles, ils seront en mesure de combler l'écart de scolarisation.

Selon les statistiques tenues par le gouvernement du Québec, les résultats dans les communautés autochtones de cette province ne sont pas meilleurs pour la moitié environ des élèves qui fréquentent les commissions scolaires de compétence provinciale, que pour l'autre moitié qui sont instruits sous l'autorité de leur Conseil de bande.

Au Québec, les étudiants complètent normalement leurs études secondaires à l'âge de 16 ans. Ainsi, pendant la période s'étendant de 1996-1997 à 2001-2002, les trois quarts des élèves de la province réussirent à terminer leurs études secondaires à 16 ans ou avant. Or, pour la même période, le chiffre était de seulement 29,7% dans les communautés autochtones du Québec.

Sur l'ensemble des réserves du Québec, où les Conseils de bande gèrent les écoles ou encore payent pour que les étudiants aillent à l'école dans les établissements publics ou privés à proximité, la proportion de jeunes de 16 ans inscrits à leur dernière année d'études secondaires en 2001-2002 était de 29,1%.

Dans le nord du Québec cependant, les élèves fréquentent la Commission scolaire crie ou, dans le cas des Inuits, la Commission scolaire Kativik : ce sont des autorités locales élues, constituées en vertu d'un accord de revendications territoriales, mais soumise à la loi provinciale et recevant un financement fédéral-provincial conjoint.

En 2001-2002, près de 40% des jeunes de 16 ans chez les Cris étaient en dernière année du secondaire, mais ce chiffre était inférieur à 20% chez les Inuits. La proportion d'étudiants autochtones toujours en dernière année de secondaire à l'âge de 19 ans ou plus était environ la même que dans les réserves, inscrits à la Commission scolaire crie ou à la Commission scolaire Kativik : environ 25%.

En Alberta, la Division scolaire Northland No. 61 dessert une population étudiante dans les communautés éloignées du nord de la province, dont la quasi-totalité sont soit des Indiens inscrits soit des Métis. Les résultats étaient si faibles qu'en 2010, le ministre de l'éducation de l'Alberta a suspendu la commission scolaire élue et a nommé un administrateur public.

Ces exemples n'ont pas pour but de critiquer les commissions scolaires, qui opèrent souvent dans des circonstances difficiles. Néanmoins, c'est également le cas des écoles dans les réserves. Une étude effectuée par le gouvernement fédéral en 2009, a reconnu que dans tout le pays plus les élèves vivaient éloignés d'un important centre de services et plus ils vivaient au nord, plus les indices d'éducation diminuaient.

Le ministre des Affaires autochtones promet « de meilleurs résultats scolaires grâce à une réforme qui créerait des normes et des structures », toutefois les élèves resteront dans les mêmes communautés faisant face aux mêmes défis. La route vers de meilleurs résultats que M. Duncan recherche ne deviendra pas moins cahoteuse uniquement parce qu'il aimerait que quelqu'un d'autre prenne le volant.