J'ai été étonné d'un aveu de Carl Langelier, qui a critiqué notre texte «Les côtés ténébreux de mère Teresa». Bien sûr, écrit-il, «il arrivait que le pot de petites pilules et granules soit vide... J'ai moi-même mis la main dans mes poches pour réapprovisionner. La petite madame a pris mon argent. Le lendemain, les médicaments étaient sur la tablette». Mais alors, je ne comprends pas le raisonnement.

Au début des années 90, lors de son séjour auprès d'elle, mère Teresa avait déjà en caisse plusieurs millions de dollars. Où étaient donc passés tous ces millions? Un responsable d'une banque interviewé à ce sujet rapporte avoir géré des sommes de 3 millionspar année jusqu'en 1981, année où mère Teresa reprend le contrôle des finances.

Par ailleurs, Suzan Shields, ancienne Missionnaire de la charité à New York, a confié à un journaliste que chaque soir, 25 soeurs écrivaient des lettres de remerciements pour les dons reçus dont certains s'élevaient à 50 000$. Selon elle, 50 millions reposaient dans le compte de banque de l'ordre. Elle évalue approximativement à 100 millionsla somme que les Missionnaires de la Charité récoltaient annuellement pour leurs oeuvres. Mère Teresa affirmait pourtant en 1994: «Nous nous engageons à employer chaque dollar que nous recevons selon les intentions du donateur, c'est-à-dire en faveur des plus pauvres des pauvres que nous servons puisque tout ce que nous recevons leur est destiné.» Si tel avait été le cas, elle aurait pu, avec cet argent, doter toute une partie de l'Inde d'un système de soins de santé moderne et gratuit.

Pourquoi ne pas avoir soigné tous ces malades? La réponse est tout à fait cohérente avec la conception du catholicisme de mère Teresa. Pour elle, la pauvreté, la souffrance et la mort sont de belles occasions de s'unir à Dieu et de partager la passion du Christ. Tout se passe comme si sa mission essentielle consistait à permettre aux personnes malades et souffrantes de ressembler au Christ et finalement, de s'assurer de le rejoindre rapidement dans l'au-delà, d'où la décision de limiter les soins.

En fait, mère Teresa assimile la souffrance des pauvres à une grâce divine. Pourtant, lorsqu'elle-même a eu besoin de soins palliatifs, ce n'est pas dans une maison de sa congrégation, mais dans un hôpital américain ultramoderne qu'elle les a reçus.

Il y a une certaine ironie à, d'une part, célébrer la beauté de la pauvreté et à cesser de la considérer comme un malheur et, d'autre part, à miser sur l'argent des riches pour continuer à s'occuper spirituellement «des plus pauvres parmi les pauvres».