L'ambitieux projet de libre-échange que souhaite réaliser le président Barack Obama avec l'Union européenne s'ajoute aux nombreux défis avec lesquels doit composer l'Organisation mondiale du commerce.

Cette plus récente initiative d'entente de libre-échange fait la démonstration que les puissances commerciales du globe entretiennent peu d'espoir que l'OMC puisse contribuer à la conclusion d'une entente multilatérale entre ses 158 pays membres.

Le découragement se manifeste également par l'absence d'un candidat émanant d'un pays membre du G7 pour la succession de Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, dont le départ est prévu pour cet été. M. Lamy avait entamé son premier mandat en 2005 alors que les négociations pour une entente globale de libre-échange (ronde de Doha) avançaient rondement. Il possédait toute l'expérience nécessaire pour permettre aux observateurs d'envisager une conclusion heureuse aux négociations.

Malheureusement pour l'OMC, chacune des tentatives de clore la ronde de Doha s'est soldée par un échec. La liste des responsables est plutôt longue: les pays du Sud accusent ceux du Nord, les grandes puissances s'accusent entre elles et l'agriculture est habituellement au centre des récriminations.

Alors que j'occupais le poste de ministre du Commerce international, j'ai participé en juillet 2008 à Genève aux dernières véritables négociations sur la ronde de Doha. Nous y sommes restés neuf jours, probablement sept de trop! Pascal Lamy multipliait les déclarations encourageantes et les sous-groupes de travail pour garder le patient sur le respirateur. Certains au Canada craignaient que la gestion de l'offre soit sacrifiée à l'autel du compromis. Je ne partageais pas ces inquiétudes puisqu'il était très improbable que les profonds différends entre les États-Unis, l'Union européenne, l'Inde et la Chine puissent se résoudre.

L'environnement n'a guère évolué depuis. Les pays émergents résistent à une ouverture quasi inconditionnelle de leur économie. Dans le secteur de l'agriculture, les mêmes débats font encore rage. Pour certains pays, cette industrie passe de l'étape de subsistance à celle de la commercialisation. Ils souhaitent créer des conditions où des champions nationaux (et même transnationaux) émergent à l'abri de la présence intimidante de conglomérats européens et américains.

Parallèlement, un grand nombre d'ententes de libre-échange se conclut, diminuant du même coup l'engouement pour une entente multilatérale. Ces nouvelles ententes englobent parfois une pluralité de pays. Le Partenariat transpacifique touche neuf pays, dont le Canada, les États-Unis, le Vietnam et le Chili. Même la Chine, le Japon et la Corée du Sud, malgré des querelles territoriales ayant fait la manchette récemment, lanceront dans les prochaines semaines des négociations pour un pacte de libre-échange.

Bien entendu, ces développements ne font pas que des heureux. Pour plusieurs pays, l'OMC représente un carrefour giratoire par lequel ils aspirent à ouvrir de nouveaux marchés. Ils se retrouvent sur les lignes de touche avec peu d'outils de persuasion pour engager un dialogue avec un partenaire d'importance.

Le Canada, quant à lui, profite de cette fragmentation dans le déploiement du libre-échange. Il peut plus aisément préserver l'approche protectionniste pour la volaille, les oeufs et le lait avec un ou quelques pays que dans le cadre d'une négociation majeure à l'OMC où il se trouverait probablement isolé. De plus, comme l'étoile du Canada continue de briller à l'échelle internationale, il se trouve encore plusieurs partenaires disposés à ne pas exiger l'abandon pur et simple de la gestion de l'offre.

L'OMC peut encore continuer à jouer un rôle dans la résolution de conflits entre pays membres comme elle l'a toujours fait. Mais le rôle de promoteur et facilitateur pour une entente globale de libre-échange lui glisse lentement, mais inévitablement, entre les mains.