Plus d'une décennie s'est écoulée depuis la fin de la sanglante guerre civile en Sierra Leone, qui a été marquée par les diamants de la guerre et les enfants-soldats, et au cours de laquelle plus de 2,5 millions de personnes ont été déplacées, et plus de 50 000 civils tués.

Si cette nation d'Afrique occidentale connaît désormais la paix, le recours à des enfants soldats continue aujourd'hui d'être pratiqué par une cinquantaine de groupes armés dans le monde. Beaucoup de ces filles et de ces garçons sont volés à leur famille pour être ensuite mutilés, violés, drogués, sans compter les autres sévices qu'on leur fait subir.

Rebelle, le film de Kim Nguyen, même s'il ne se déroule pas en Sierra Leone, est une remarquable description de la vie d'une fille-soldate. L'histoire est celle de Komona, 12 ans, capturée par des rebelles qui la contraignent à assassiner ses propres parents. C'est un film de fiction, mais les situations sont bien réelles.

Partout dans le monde, des groupes utilisent des enfants qui sont pour eux une ressource renouvelable peu coûteuse et facile à endoctriner. Ils sont utilisés comme un outil militaire stratégique par ceux qui ne cessent de violer les droits de la personne dans leurs propres intérêts.

Les filles-soldates, qui représentent jusqu'à 40% de tous les enfants-soldats, connaissent des difficultés extrêmes. Lorsque j'étais en Sierra Leone, en 2011, nous n'arrivions à démobiliser qu'une fille pour dix garçons. Pourquoi? Comme les garçons, les filles peuvent mener et commander des enfants sur les champs de bataille, mais dans ces sociétés dominées par les hommes, elles sont aussi chargées d'assurer la logistique, ainsi que de faire la cuisine et le ménage. À ces activités s'ajoute également le rôle d'esclave sexuelle et de «femme de brousse». Le film décrit très précisément ce double rôle qu'assument les filles-soldates au sein de ces groupes armés.

De plus, les quelques filles-soldates qui sont désarmées et démobilisées avec succès sont généralement complètement rejetées par leur communauté. On leur refuse amour et affection, car elles sont associées à une souffrance généralisée qui mettra peut-être des années à s'apaiser. Nous avons pu constater à maintes reprises cet état de fait.

Le film de Nguyen traite, de façon critique, de la sorcellerie, de la drogue, de la violence sexuelle et des minéraux de la guerre qui ont déclenché et alimenté les conflits en Sierra Leone et en République démocratique du Congo. Le film aborde franchement tous ces problèmes et permet ainsi de mieux comprendre la complexité de ces conflits armés.

Cependant, on ne nous dit rien, à la fin du film, de la façon dont Komona pourra reconstruire sa vie.

Nous devons, en tant que société, éradiquer jusqu'à l'idée même que des enfants puissent être utilisés comme armes, et oeuvrer à la prévention d'un tel état de fait. C'est ce que tente de faire le Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative (RDCSI), basé à l'Université Dalhousie.

J'espère que le film Rebelle permettra de rappeler ou de faire découvrir le drame des enfants-soldats, et plus particulièrement des filles-soldates, partout dans le monde. Nous ne pouvons pas permettre que ce drame sombre dans l'oubli, comme c'est trop souvent le cas. Il nous faut sans plus attendre mettre fin au recours à des enfants-soldats. L'urgence de relever ce défi est criante pour tous. Nous ne pouvons plus attendre et devons saisir l'occasion qui nous est offerte.