Il y a quelques mois, notre ministre de l'Enseignement supérieur invitait la population à garder la foi dans son sommet. Il a même avancé qu'un chapitre de l'histoire du Québec y serait écrit. À quelques jours de l'événement, son grand rêve s'estompe. La grand-messe devant éclairer le peuple risque même de tourner au fiasco. Souhaitons-le d'ailleurs!

Les problèmes de Pierre Duchesne ont commencé le jour où il a annoncé des coupes budgétaires. Les partenaires de la grande corporation de l'enseignement supérieur sont alors devenus des concurrents. Des rivaux qui ont compris que, s'il y a des gains financiers à tirer de ce sommet, tous ne pourront en profiter.

Le ministre aurait dû le savoir: les grands sommets ne font consensus que lorsqu'il y a quelqu'un à dépouiller. Les coalitions d'intérêts conspirent toujours contre quelqu'un et, par un curieux hasard, les victimes sont rarement présentes à la table de discussion.

Ce sont habituellement les contribuables et les consommateurs qui font les frais de ces sommets. Mais il faut se rendre à l'évidence: il n'y a plus grand-chose à dérober à celui qui vient d'être pillé par le dernier budget.

Aussi, à défaut d'une entente de dernière minute pour déshabiller quelqu'un d'absent - les grandes entreprises, par exemple - le grand consensus espéré n'aura pas lieu.

Au Québec, le mythe des sommets comme idéal de démocratie, d'égalité et de solidarité est tenace. Ça fait plus de 30 ans que nos gouvernements mettent sur pied des sommets socioéconomiques (ou des états généraux) pour décider avec les grands groupes d'intérêts comment se redistribuer le bien public.

Cette fois encore, on a voulu créer l'illusion qu'un consensus entre politiciens, recteurs, leaders étudiants, syndicats de professeurs et fonctionnaires permettrait de satisfaire les attentes de tout un chacun et d'insuffler un nouveau dynamisme à nos universités. Foutaise!

En réalité, ces exercices ne sont que des assemblées corporatives qui permettent aux membres présents de protéger leurs acquis. Pis encore, selon Edmund S. Phelps (Nobel d'économie 2006), cette forme de néocorporatisme explique la contre-performance de plusieurs grandes économies.

En écartant les idées novatrices et en s'assurant d'adopter des solutions qui ne mettent pas en péril leur propre existence, les partenaires de ces modes de décision collective offrent une forte résistance au changement et à l'innovation qui sont le moteur de toute économie dynamique.

Un échec du Sommet sur l'enseignement supérieur est donc souhaitable. Il servirait de coup de semonce à tous ces groupes d'intérêts qui utilisent ces rencontres pour grappiller les fonds publics ou se faire reconnaître des privilèges, comme la reconnaissance d'un droit de grève pour les étudiants.

L'échec du sommet servirait également d'électrochoc à nos recteurs. Ceux-ci ne pourraient plus se contenter de «chauffer le poêle» des officines gouvernementales. Ils devraient, à l'instar de milliers d'entrepreneurs, retrousser leurs manches et réinventer l'université québécoise dans un contexte où les deniers publics ne tombent plus du ciel et où s'annonce une révolution numérique qui transformera les façons de faire.

Comme le disait Margaret Thatcher: «Tout corporatisme [...] encourage la rigidité, décourage la responsabilité individuelle et risque d'aggraver les erreurs en les dissimulant.» Aussi, il est temps que le Québec passe à autre chose et qu'il laisse les sommets... aux alpinistes.