Lorsqu'il s'agit de faire le bilan d'un pontificat, on n'a pas en vue seulement l'ensemble de l'activité et des initiatives d'un pape, mais également ce qui est survenu, désiré ou non, au cours de son pontificat. Si ces choses s'entremêlent dans nos esprits, il faut pourtant les distinguer soigneusement.

Ainsi, Benoît XVI a dû encaisser plusieurs coups et subir pas mal d'orages, du scandale de la pédophilie jusqu'au scandale plus récent des «vatileaks». Il a essuyé pas mal de bourrasques et, si elles ont été parfois liées aux actes de son pontificat ou aux faiblesses de son administration, il a parfois hérité de lourds dossiers qu'il n'avait pas lui-même entrepris.

Ces tempêtes, il les a subies, comme on supporte des épreuves, et non seulement elles l'ont personnellement atteint, mais elles ont sensiblement limité sa capacité d'initiative.

Un pontificat, c'est à la fois un style, un agenda et des réalisations structurantes qui marquent l'avenir de l'Église.

Un style. Jean-Paul II, en raison de son exceptionnel charisme et de la longueur de son pontificat, avait tellement marqué le mode d'exercice de la fonction pontificale qu'on pouvait se demander s'il était possible d'habiter après lui cette fonction. Benoît XVI n'a pas tenté d'imiter son prédécesseur, mais il a exercé sa fonction avec ce qu'il était, un penseur, un professeur et un «moine». Timide, peu à l'aise avec les grandes foules, c'est à travers son activité intellectuelle, souvent solitaire, qu'il voulut exercer son ministère.

Ce n'est donc pas avant tout comme pasteur d'un catholicisme de masse ou comme administrateur qu'il a guidé l'Église catholique. Là n'était pas sa force. Affable, sensible, séducteur même dans la rencontre en privé, il savait convaincre et persuader ses interlocuteurs.

Homme d'écoute, plus qu'on ne le pense, il était à son meilleur lorsqu'il rencontrait en petit groupe des séminaristes et qu'il répondait à leurs questions. Sa grande culture était alors mise en lumière et on s'étonnait de la grande finesse de son intelligence et de la clarté de ses réponses. Comme un abbé dans son monastère, c'est à travers la liturgie, ses audiences du mercredi dont les textes sont écrits comme les entretiens d'un abbé donnés en chapitre, ses livres sur Jésus, qu'il a voulu guider l'Église catholique et inspirer les croyants.

Un agenda. Benoît XVI portait quelques grandes préoccupations. J'en retiens deux principales: l'unité de l'Église et le dialogue de l'Église avec la pensée moderne. Benoît XVI aurait tellement souhaité une réconciliation avec le groupe schismatique lefebvriste. Pour cela, il a payé un prix fort et donné des gages importants, jusqu'à créer des tensions et susciter des murmures à l'intérieur même de l'Église catholique. Son souci de l'unité était indiscutable, même si on a beaucoup discuté les mesures qu'il a prises en vue de réconcilier ce groupe schismatique.

Sa deuxième préoccupation était le dialogue avec la pensée moderne. L'ancien professeur croyait en la puissance de la raison et il savait que l'Église catholique devait rivaliser, au plan intellectuel, avec ce qu'il y a de meilleur dans la pensée contemporaine.

Des réalisations. Il laisse à l'Église un projet inachevé: l'année de la foi qui accompagnait son projet de «nouvelle évangélisation». Il savait que cela constituait le défi le plus important de l'Église catholique. Il a mis ce projet sur les rails, laissant la suite ouverte et léguant à son successeur le soin de le mener à terme.