Surprise! Lors de ma dernière visite à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, le comptoir des brioches de la succursale de Tim Hortons était complètement dépourvu de beignes et brioches, fondement de la réputation de cette maison.

Croyant à une pénurie temporaire de ces favoris de la clientèle, j'aborde une préposée au comptoir pour m'informer de la raison de cette absence. L'air narquois, elle m'annonce que le virage santé est à l'ordre du jour, que les beignes et brioches sont interdits pour faire place aux muffins, déclarés sains et sans danger pour le consommateur.

Ayoye! D'imminents exégètes de la diététique, gardiens de l'orthodoxie alimentaire, inquisiteurs sans merci, déclarent que le beigne et la brioche sont une menace pour la santé publique. Sous l'euphémisme virage santé, ils imposent aux citoyens des choix jugés conformes à une saine alimentation.

Semble-t-il que tous les hôpitaux de la province sont soumis à ce diktat. On peut donc retracer ce grand souci de bien-être du citoyen dans un organisme chapeautant l'ensemble des institutions de la santé. J'imagine les nombreuses réunions de ces savants fonctionnaires de la santé publique débattre de la nocivité de la brioche aux pommes et à la cannelle, citant pompeusement les nombreuses études dites scientifiques mettant en garde les autorités des conséquences de ce fléau.

Pendant que les urgences débordent, que de nombreuses chirurgies sont retardées, que des bactéries attaquent les patients, ces messieurs discutent de la menace du beigne et de la brioche et imposent leur censure aux citoyens assez étourdis pour ignorer le danger voilé de cette nourriture.

Le virage qualifié de santé est plutôt un virage autoritaire motivé par une conviction de posséder la vérité. Ce paternalisme manifeste infantilise le citoyen jugé incapable de faire des choix judicieux. On doit le protéger contre lui-même. Ce faisant, on le méprise et on l'insulte.

Le citoyen est un être responsable. On doit l'informer. Lui seul prend sa décision et en assume les conséquences. Aucune justification ne peut être invoquée pour s'immiscer à ce point dans la vie des personnes sous prétexte qu'on veut leur bien.

Pour paraphraser notre illustre ancien premier ministre Pierre Elliot Trudeau, les fonctionnaires n'ont rien à foutre dans le choix d'un beigne ou d'une brioche pour accompagner un bon café.