Pour justifier la fin des minicentrales, tout comme pour la fermeture de Gentilly d'ailleurs, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a invoqué deux arguments: ce n'est pas rentable et, dans un contexte de surplus, c'est inutile. Cette argumentation omet trois éléments fondamentaux.

D'abord, on ne juge pas les petits projets d'énergie renouvelable et les projets émergents en fonction de ce qu'ils peuvent rapporter à très court terme. Ensuite, toute analyse coût-bénéfice doit porter sur la durée de vie de la filière. Finalement, le coût moyen de l'heure n'est pas la référence de comparaison.

Poussons la logique jusqu'au bout. Dans un contexte où le prix moyen de vente de l'électricité tourne autour de 6 ou 7 cents le kWh, pourquoi s'intéresser à des filières plus coûteuses comme l'éolien, le solaire, la biomasse forestière, le biogaz, l'efficacité énergétique, les hydroliennes, l'hydroélectricité ou même les compteurs intelligents?

Dans le même ordre d'idées, pourquoi explorer la filière des gaz de schiste si les Américains le produisent à un prix dérisoire? Et pourquoi travailler avec Pétrolia?

Autrement dit, si ce n'est pas rentable actuellement, ne faisons plus rien.

Économie 101: tout ingénieur devrait savoir que le coût moyen de l'heure est un mauvais indicateur pour décider de la vie d'une filière. D'une part, c'est un préjugé de dire que le prix courant va rester au même niveau, soit 50 ans et plus dans le cas de l'hydroélectricité. D'autre part, c'est oublier que le coût marginal, c'est-à-dire le coût de la dernière filière en liste, doit être la référence de comparaison. Autrement dit, un coût de production et de distribution à 8 ou 10 cents est une aubaine.

Je me rappelle que des économistes de renom avaient également dénoncé la Baie-James. Effectivement, on a eu des surplus pendant huit ans. Cela signifie-t-il que ce n'était pas rentable à long terme?

Bref, déclarer à la population que le Québec va perdre 28 millions de dollars par an en supportant les minicentrales, c'est tout simplement populiste. C'est oublier également que le support à de petits projets d'énergie renouvelable ou à des projets émergents a plusieurs autres retombées qu'il faut considérer.

Pour le solaire ou les hydroliennes, par exemple, l'équipe spéciale de 2010 a proposé au ministère des Ressources de les subventionner, non pas à cause de leur impact massif sur le bilan énergétique futur, mais parce que le Québec présentait des forces pour l'innovation et la recherche.

L'impact régional est un autre facteur à considérer, comme l'a bien souligné le président de l'Union des municipalités du Québec. Un minibarrage n'a pas que des vertus énergétiques, c'est aussi une manière d'aménager des parcs pour le loisir ainsi que des bassins pour la rétention d'eau.

En fait, ces décisions ne relèvent pas de la logique économique.

Oui pour Val-Jalbert, non pour les autres projets de minicentrale. D'accord pour que les communautés de Val-Jalbert ou de Gaspé se prennent en main, mais pour le reste, c'est Québec qui décide. Non aux minicentrales, oui à l'éolien. Pour les minicentrales et Gentilly, on ne consulte pas les municipalités concernées, mais du coup, on lance une consultation régionale en vue d'établir une nouvelle stratégie énergétique. On coupe, mais rassurez-vous, on va vous consulter. C'est le cas aussi en recherche, où on a promis des assises.

Comment expliquer cette politique de montagnes russes vertigineuse, accompagnée de la cadence d'un pas en avant, un en arrière? Paresse intellectuelle, pelletage en avant ou dogmatisme? Avouez qu'il y a de quoi perdre son latin.